Je ne sais pas si je mérite la vie que je mène, parfois j’en viens à me dire que je suis bien chanceux vis-à-vis d’autres membres de ma famille. On me disait toujours petit que Dieu me protégerait et me protégerait toujours et aujourd’hui j’ai envie de réellement y croire et non juste de faire semblant pour faire plaisir à mes parents.
Mon père était quelqu’un de très autoritaire. Henry Marlow, deuxième du nom. Son frère, le père de mon cousin Louis a mené la vie dure à tous mes cousins et cousines. Ma mère me disait que jamais je n’allais connaître cela et que ce n’était pas une façon d’éduquer ses enfants aux yeux du Seigneur.
A vrai dire, ma mère était moins croyante que mon père, elle était juste amoureuse et disait oui à tout en voulant connaître les goûts de mon père et surtout pourquoi. Petit, je fréquentais mes cousins et cousines pour les grandes occasions, il ne fallait surtout pas faire n’importe quoi, mais au fond de moi… je me sentais différent. Louis était celui qui me comprenait le mieux, on ne parlait pas beaucoup, mais d’un simple regard on se comprenait.
Louis était plus du genre « rebelle » si je veux stéréotyper la chose et moi j’osais rêver d’une vie meilleure, d’une vie… autre et on me rappelait sans cesse qu’il fallait durement travailler et que rêver n’avançait à rien. Mais ma mère était toujours là pour me dire que j’étais quelqu’un de bien et que toutes les personnes bien rêvaient. Ma mère était vraiment la première femme de ma vie et à l’heure actuelle elle l’était toujours.
A l’âge de mes 11 ans, mon père décéda d’un grave accident de voiture. Bien sûr que j’ai pleuré sa mort, mais au fond de moi, je pleurais plus pour le père que j’aurais aimé avoir mais que je n’avais jamais eu. Petit, mon père me comparait sans cesse à mes cousins ou à mes camarades de classe qu’il disait « mieux que moi ». En espérant me faire réagir sans doute, sauf qu’au lieu que de m’encourager cela ne faisait que me rabaisser et m’attrister. Un père violent, froid, distant… Un jour il avait même osé lever la main sur ma mère, mais elle disait l’aimer. Dieu souhaitait vraiment cela ? Pour Dieu, le mot « amour » était synonyme de souffrance ? Permettez-moi d’en douter.
Mon père était un homme grand et puissant, mais en tant que père il avait raté son rôle. Il disait connaître Dieu et la Bible mais il semblerait que Dieu ait prévu une autre vie pour lui désormais. Ma mère pleurait toutes les larmes de son corps sur la tombe de mon père, mais un soir elle m’avait avoué se sentir désormais libre, même si à ses yeux, mon père restait le premier amour de sa vie. L’amour alors, quel beau poison. Je m’étais juste promis une chose : ne jamais être comme mon père auprès de la femme que j’aime. Je la chérirais, la protègerais et je ferais d’elle ma priorité. Et si un jour, elle doit verser une larme pour moi, j’espère que cela sera une larme de bonheur.
J’ai toujours été un enfant très effacé, très timide. Mon père m’avait tellement rabaissé au cours de ma vie que j’en avais fini par en faire une triste réalité. J’avais toujours été un enfant très mince, voire maigre. Je mangeais pourtant, mais mon métabolisme faisait que j’avais un physique peu épais. Mon père me forçait à faire du sport, pour que je sois « beau ». A croire qu’il voulait qu’à 9 ans, j’ai un corps d’un homme de 25 ans. Ma mère me défendait et me rassurait « en secret » mais j’avais fini par prendre sur moi et accepter mon corps de « lâche ».
Depuis toujours j’ai plus de facilité à être amie avec des filles. Mon père voyait cela d’un mauvais œil. Pas qu’il n’aimait pas que j’ai des filles autour de moi mais car je n’avais pratiquement aucun ami garçon. Les garçons de 10 ans aimaient jouer au foot, aimaient traîner en « bande », soulever les jupes des filles…. Moi j’étais le garçon au corps lâche, au visage efféminé, blond aux yeux bleus avec de longs cils. Dû à mon physique androgyne, mes amis filles de l’époque aimaient me déguiser en « princesse ». Mon père disait que certaines filles faisaient plus « viriles » que moi tant j’étais pathétique. Au fond, j’étais son seul enfant, et il était déçu car je n’étais pas comme il aurait aimé que je sois. Ma mère m’avait révélé plus tard, que mon père aurait aimé avoir plus d’enfants, mais il en avait été incapable. Ils avaient déjà eu énormément de soucis à m’avoir, et avaient dû faire appel à la médecine tant de façon naturelle, rien ne marchait. Ma mère me disait aujourd’hui, en 2015, que mon père reflétait sa haine et sa déception dans sa colère envers moi mais que cela aurait été le même s’il y aurait eu un autre enfant. Mon oncle lui n’avait eu aucun problème de donner une famille nombreuse à sa femme, tandis que mon père…
Lorsque je suis arrivé au collège, j’avais été pris pour la tête de turque. Les garçons m’appelaient « fillette » « mauviette » « tapette », les filles voulaient être mes amies car j’étais « trop mignon » à être timide. J’étais le gars gentil, voire trop gentil… Ma mère me disait de m’affirmer mais je ne faisais que m’effacer. Mon père avait raison sans doute, j’étais qu’un faible, un minable, une « mauviette »...
A l’âge de mes 14 ans, soit 2 ans après mon entrée au collège, j’avais peur. Peur de tout. Ma mère pleurait tant elle était triste de me voir si mal. Je ratais de plus en plus les cours, et les rares fois où je revenais, les autres élèves m’harcelaient, me traitant et me rabaissant comme mon père aurait fait à leur place. Les professeurs avaient beau me défendre et sévir sur les élèves qui m’embêtaient, j’étais juste incapable de les détester et souhaiter qu’ils aient un sort funeste. J’étais trop gentil, mais à quoi bon détester les gens et s’en rendre malade ? Cela n’allait pas changer leur personnalité… Du coup je préférais les éviter plutôt que les forcer à changer. Je préférais rester sur mon ordinateur, seul dans ma chambre, à jouer à des jeu-vidéos ou bien alors à traîner sur les réseaux sociaux du type Myspace, puis en 2006/2007 je m’étais inscris sur Facebook pour passer la plupart de mes journées dessus.
A force, ma mère avait fini par accepter de me déscolariser. Enfin, de me retirer du collège pour m’inscrire à des cours par correspondance. Le deal ? Je devais avoir 15 de moyenne minimum sinon elle me remettait dans un autre collège… Et par je ne sais quel miracle, je réussissais à remplir ma part du marché. Pourtant je n’étais pas quelqu’un de vraiment studieux, j’étais vite distrait et ma mémoire me faisait parfois défaut, mais je crois que la peur de revenir dans un collège, me faisait me dépasser.  
La phobie scolaire, voire la phobie sociale sont encore des phobies peu comprises par l’ensemble de la population et ça avait tendance à me briser le cœur.
Heureusement, ma mère me comprenait, elle était et est tellement parfaite. Mais certains de ses amis, ou bien encore des voisins et même certains membres de la famille ne comprenaient pas. On me traitait de feignant, d’imbécile, de peureux et j’en passe. Sur le coup, je ne disais rien, je me contentais de sourire pour faire face et de baisser les yeux en attendant que tout cela s’arrête. Ma mère, elle, essayait de me défendre, sauf qu’elle était tellement gentille, qu’elle avait tendance à vite se faire « écraser » par les autres et ça me donnait envie de meurtre… mais je ne disais rien car j’avais un corps de lâche et que j’étais un lâche tout simplement.
Plus les années passaient, plus j’étais présent sur les réseaux sociaux. Ça me donnait l’impression d’être quelqu’un, d’avoir des amis… Alors que je ne les avais jamais vu en vrai. Mais c’était mes amis… Des amis virtuels, mais amis quand même. Ma mère était triste de me voir renfermé, seul, mais je la rassurais comme je pouvais en lui montrant parfois mes amis à la cam ou les messages que je recevais.
Lorsque j’avais 17 ans, ma meilleure amie Crystal qui habitait en France, m’avait organisé une petite surprise pour mon anniversaire. Avec des amis en commun elle avait créé une page fan Facebook de moi, en mettant en avant mon visage et surtout mes yeux bleus. Pour moi ils étaient banals, moches, mais elle me répétait sans cesse que je dégageais quelque chose de très fort. Sauf que plus les jours passaient, et plus ma page récoltait des « likes ». Au début je pensais que c’était mes proches ou alors des amis à des amis, mais il s’agissait d’inconnus qui ne faisaient que me complimenter en me disant de rester fort. Crystal me réclamait sans cesse de nouvelles photos, mais je ne me pensais pas tellement photogénique. A chaque fois je devais prendre 100 photos pour n’en garder qu’une, que je modifiais avec divers filtres. Et pourtant… J’étais loin de me douter que cette simple page Facebook allait changer toute ma vie.
Crystal me hurlait sans cesse de prendre des photos, d’avoir plus confiance en moi… Elle était allée jusqu’à me payer un shooting photo sur NYC pour m’aider à prendre confiance en moi. Au début j’étais gêné mais elle insistait tellement pour que j’y aille, puis elle avait déjà tout payé… Alors je m’étais lancé. Les premières minutes avaient été très gênantes et par je ne sais quel miracle, j’avais réussi à… aimer. La photographe, Nina Duncan avait été plus qu’agréable avec moi. Elle m’aidait énormément et ne faisait que me répéter à quel point j’étais beau et qu’elle aimait mes cheveux… Cheveux qui poussaient dangereusement. Pas que je voulais me donner un style mais aller chez le coiffeur et affronter le regard des autres, avait été devenu au-delà de mes forces. Puis quand j’avais reçu les photos du shooting en entier, et que Crystal les ait publiées, cela avait pris une ampleur énorme. Je ne maîtrisais plus rien et Crystal aussi. Les gens aimaient et partageaient mes photos… La page Facebook passait de 1000 « likes » à 10 000 « likes » en si peu de temps que j’en étais sur le cul, littéralement. Je montrais tout cela à ma mère et elle avait peur que le virtuel empiète sur le réel, elle avait peur que je me perde dans le fictif en arrêtant de travailler pour les cours, me contentant juste de prendre des photos pour avoir encore plus de « likes ». Je la comprenais au fond, ce n’était pas… « Son truc » et même moi ça m’effrayait.
Je maintenais mon rythme scolaire, ne lâchant rien, mais clairement je sentais que ma place était ailleurs. Ma mère m’incitait à sortir, à me faire des amis réels et non que virtuels… Me suppliant presque d’arrêter les réseaux sociaux qui me faisaient comme prisonnier de l’ordinateur mais clairement je ne pouvais pas. J’avais besoin des réseaux sociaux et les encouragements de ces inconnus en devenaient ma force. Du coup, j’avais trouvé un compromis… La salle de sport. Je ne voulais pas décevoir ma mère et encore moins ces personnes qui me suivaient qui réclamaient encore plus de photos. Je voulais me reprendre en main, arrêter d’être si timide... d’avoir autant peur des inconnus et de rencontrer des personnes réelles pour dépasser mes peurs et faire de ma mère, une femme fière de son fils et aussi me prouver à moi-même que je n’étais pas un lâche, ou juste une grosse merde, ou une « fillette ».
Je m’étais inscrit à la salle de sport la plus proche de chez moi avec un coach personnel. Ma mère me donnait de l’argent de poche depuis des années, mais dû à ma phobie sociale, je n’étais pas du genre à faire les boutiques ou à traîner… Même passer commande sur Internet ne m’avait jamais… Intrigué. J’avais assez de côté dans mon compte pour me payer un abonnement à 250$ l’année.
Les débuts avaient été plus que difficiles, j’avais peur dans la rue et dans la salle de sport. Les gars qu’il y avait étaient déjà musclés comme de vrais athlètes ou mannequins. Mais mon coach trouvait à chaque fois les meilleurs moyens pour me motiver. Il savait comment s’y prendre et comment me faire dépasser mes propres limites. Depuis, je passais mes journées entières à la salle de sport entre 4h et 6h de sport par jour, en passant la soirée et nuit sur les réseaux sociaux à poster des photos, ou vidéos selon les envies des personnes qui me suivaient. Crystal disait que j’avais des « fans » mais je ne me considérais nullement comme une rock star ou quelqu’un de suffisamment d’important pour me permettre d’employer un tel terme.
Aussi surprenant que cela pouvait être, j’avais réussi à additionner les études, le sport et les réseaux sociaux à merveille en étant diplômé à 18 ans, avec mention. Ma mère aurait aimé que j’aille à la faculté de NYC, mais elle avait vu que mes rêves et ambitions étaient ailleurs… Elle m’a juste demandé que si cela ne marchait pas, de reprendre mes études pour avoir un diplôme universitaire… et il faut savoir que je respectais toujours mes promesses, toujours.
Les années passaient et ma vie avait changé. On me reconnaissait dans la rue, j’avais désormais un compte Instagram avec plus de 1 millions de followers, ma page Facebook atteignait plus de 500 000 likes, la page était gérée par Crystal et moi-même désormais. J’avais même été invité sur divers plateaux télés dû à mes… cheveux et mon parcours peu ordinaire. J’avais désormais les cheveux longs jusqu’à mi dos et plus personne ne me traitait de « fillette ». Le sport était devenue ma drogue favorite, il n’y avait pas un jour où je n’allais pas à la salle ou du moins que je ne fasse pas quelques exercices physiques même chez moi.
Je mesurais 1m87 pour 102kg de muscles et ma mère était plus que fière de moi. Depuis, j’avais pris mon indépendance mais je venais la voir très souvent, j’avais un lien très fort avec elle. Les cheveux longs sont à la base une caractéristique de la gente féminine et désormais c’est cela qui fait ma force tout en me laissant ma virilité et mon identité sexuelle sans ambiguïté comme autrefois. Et pourtant… on pourrait croire que je prenais la grosse tête en devenant plus « homme » plus « famous » et pourtant… j’étais resté l’adolescent timide et pas aussi sûr de lui.
Les photos ne sont qu’une partie de ma personnalité, je suis fier de mon parcours mais j’ai encore du mal à m’aimer intégralement et à avoir totalement confiance en moi, même si je travaille durement dessus.
Je parle toujours à Crystal et mes autres amis virtuels et je n’ai pas cent mille amis réels. Les gens que je côtoie le plus sont ma mère et les gars avec qui je vais au sport à la salle dans la vraie vie. Certes je vois d’autres personnes mais c’est uniquement via le boulot. Parfois je les vois une journée entière et après je n’ai plus de nouvelles à part quelques tweets ou quelques likes sur les réseaux mais rien de plus.
Désormais j’ai signé chez une agence internationale de mode : NEXT MODELS MANAGEMENT à NYC, Paris, Londres, Miami, Los Angeles, Toronto. J’aime désormais faire des live YouTube pour aider les jeunes en difficulté à avoir confiance en eux ou du moins à commencer le processus, c’est vraiment quelque chose d’essentiel pour moi. Parfois je donne aussi des cours de « selfies » car je suis doué apparemment, mais je le prends vraiment au second degrés.
Le seul point négatif de tout cela c’est que je me suis éloigné de toute ma famille à part ma mère bien sûr. Avant on n’était pas spécialement proches, mais depuis le décès de mon père, le fossé s’est encore plus creusé et vu que je ne suis pas le bon catholique de « base » mes oncles et mes tantes ont dû faire une croix sur nous, je ne sais pas trop en fait… J’essaie du mieux que je peux de prendre des nouvelles via les réseaux ou SMS de mes cousins/cousines mais ce n’est plus comme avant. Pourtant aujourd’hui je crois réellement en Dieu. J’y crois car petit, ma mère me disait que Dieu avait prévu de grandes choses pour moi. Je ne savais pas trop si elle y croyait vraiment à l’époque, mais aujourd’hui je vois les résultats de ses dires passés dû à la vie que je mène et j’ai envie... Envie de garder la foi et de ne pas baisser les bras.