« C’est moi qui fais princesse Leia ! » Ca, c’était Zarah lorsqu’elle était enfant, dans la cour de récré, toujours à vouloir avoir le rôle principal. Ce qui, à l’époque, lui valut quelques embrouilles avec ses copines, mais quelle importance ? Déjà en ce temps-là, elle était persuadée qu’elle serait une grande actrice. Et pourquoi donc ? Mais parce que la vie réelle est bien trop triste ou ennuyeuse et que c’est drôle de jouer quelqu’un d’autre, au point d’en faire son métier.
Toute son enfance, Zarah la passa à Dallas, cette ville impitoyable, oui, mais elle ne connut rien de la vie de JR Ewing et compagnie puisque le rancher dans l’histoire, c’était son père et qu’elle refusait tout net de le voir. Il n’avait jamais été présent pour elle tandis que sa mère l’avait élevée toute seule. En dehors de ça, l’enfance de la demoiselle se passa relativement normalement. Elle ne provenait pas d’un milieu aisé mais elle et sa mère n’était pas pauvres non plus et ce grâce aux boulots cumulés de cette dernière. Cependant, elles n’avaient pas les moyens de lui payer des cours de théâtre, aussi, Zarah s’entraînait-elle sans l’aide de personne, en donnant l’impression de parler toute seule.

Malgré ça, elle n’en restait pas moins populaire et à l’adolescence, elle ne comptait plus le nombre de types un peu louches qui lui promettaient monts et merveilles et surtout de l’emmener à Los Angeles pour mieux lancer sa carrière. Comme toutes jeunettes dignes de ce nom, elle fut bien tentée à l’une ou l’autre reprise, ne voyant pas le mal, mais ce qui la retenait à Dallas, c’était clairement sa mère. Non pas qu’elle soit du genre à la retenir, à l’empêcher de vivre son rêve, mais elle avait tellement fait pour elle que Zarah se sentait obligée de rester auprès d’elle. Sans pour autant que ça soit une corvée, dans sa tête elle ne faisait jamais que repousser sa carrière à plus tard. Et pourquoi pas, après tout ? Elle était encore jeune. Du moins c’est ce qu’elle se disait jusqu’à ses vingt-cinq ans. Toujours jeune, mais à cet âge, la plupart des autres actrices avaient déjà obtenus des rôles majeurs dans quelques films, voire dans beaucoup de films pour certaines. Toujours est-il qu’elle ne changeait pas d’avis pour autant, elle tenta juste de convaincre sa mère de partir pour New York avec elle. Pourquoi New York et pas Los Angeles ? C’est vrai, quoi, Los Angeles c’est un peu le temple du cinéma, mais Zarah n’avait pas d’avis professionnel et était bercée par toutes ces séries télé.

Et puis ce fut le drame. Elle était sur le point d’arriver à ses fins lorsqu’un accident de voiture contrecarra tous ses plans. Sa maman y resta et Zarah se considéra dès lors comme orpheline. Trente-et-un an, pas mariée et sans enfants, la jeune femme n’avait désormais plus la moindre attache au Texas, où de toute façon, elle ne voulait plus rester, et était désormais libre d’aller où bon lui semblait. New York, c’était un peu son eldorado perso et elle était convaincue qu’une fois qu’elle en aurait foulé le pavé, tout lui sourirait. Bien entendu, ce ne fut pas le cas, il ne suffisait pas de claquer des doigts pour qu’on la remarque tout bêtement dans la rue, ça non. Et comme elle n’avait pas vraiment fait d’études orientées, elle ne pouvait pas prétendre à grand-chose. Sa première idée fut de postuler chez Bloomingdales, elle qui adorait la mode, c’était une bonne idée après tout mais son CV fut jeté à la poubelle comme celui d’une bonne vingtaine d’autres postulantes. Bon eh bien, il ne lui restait plus qu’à faire comme n’importe quel jeune sortant de l’école, c’est-à-dire postuler un peu n’importe où. Si ce n’était pas triste de réellement commencer sa vie à l’âge de trente-et-un ans, mais il y avait au moins un point positif : elle adorait la ville dans laquelle elle évoluait. Et ce, même si ce ne fut pas simple au tout début, obligée de loger dans une pension de famille qu’elle était. Jusqu’à ce qu’elle décroche un job de barista chez Starbucks. Sans qu’elle ait la moindre qualification en la matière mais il semblait que son embaucheur ait un penchant pour son joli sourire.

Cela fait un peu moins de deux ans que Zarah vit à Brooklyn aujourd’hui, elle se sent toujours comme une petite nouvelle - surtout par rapport au site I Dare You et tout ce qui en découle, étant donné qu'elle n'a pas encore osé y prendre vraiment part -, elle court de casting en casting et il n’est pas rare de la voir à la télé, en tant que figurante mais il est encore moins rare de la voir au Starbucks du coin, ne lui en déplaise. Ce job-là n’est peut-être pas glamour mais il a au moins le mérite de lui payer son loyer. La demoiselle ne désespère pas non plus de croiser un jour comme client un vieillard riche et sur le déclin mais il faut laisser le temps au temps, comme on dit.