"Alors ça y est..." Toi aussi tu nous quittes. Son père ne l'avait pas dit mais Arizona savait très bien que c'est ce qu'il voulait dire. Ce n'était pas une reproche pour lui faire comprendre qu'elle les "abandonnait", non, mais plutôt qu'elle allait enfin voler de ses propres ailes. Ils étaient heureux, c'était chose certaine, mais pas moins inquiets pour autant. Ce qui était normal après tout puisque leur fille - leur second enfant qui plus est - les quittait pour faire sa propre vie mais en plus, parce qu'elle avait choisi New-York, ce qui n'était clairement pas la porte à côté, entendons-nous là dessus. Mais cette opportunité, la jeune femme l'avait attendu depuis tellement longtemps qu'elle ne pouvait passer à côté au risque de ne plus jamais en voir une nouvelle du même genre. Parce la grosse pomme, c'était son rêve à elle et son frère depuis qu'ils étaient tous petits déjà. Pourquoi ? Aucun des deux n'a jamais vraiment su y répondre, peut-être était-ce tout simplement parce que la ville donnait cet effet, cette impression de pouvoir réaliser chacun de ses plus grands rêves et même plus encore... Mais le temps était passé depuis et les enfants Jagger avaient grandit. Maintenant, c'était à eux de saisir leurs chances et de réaliser leurs projets qui animaient autrefois leurs discussions en haut du toit, à observer les étoiles. "C'est loin tout de même... Fais bien attention à toi surtout." La brune esquissa un sourire en regardant tour à tour sa mère puis son père. Surprotecteurs ? Peut-être un peu. Mais c'était comme ça qu'elle les aimait. "Ne vous en faites pas, je saurais me débrouiller. Et puis Noah sera là aussi." C'était vrai ça, son grand frère, sur qui elle était certaine de pouvoir compter. Il devait d'ailleurs l'attendre à l'aéroport et elle vivrait un petit bout de temps dans son appartement en attendant de prendre ses marques dans sa nouvelle vie. Eux qui ne s'étaient pas vus depuis un moment maintenant, ce serait là l'occasion de rattraper le temps perdu. Arizona avait tellement hâte. Tout s'annonçait tellement bien... Ses yeux brillaient d'impatience et de joie à l'idée d'y être enfin. "Bon, je ferais mieux d'y aller si je ne veux pas louper mon vol." dit-elle en remontant la poignée de sa valise, prête à la faire rouler. "On se revoit bientôt et je vous donnerais des nouvelles, promis." Elle les enlaça une dernière fois, leur déposant à chacun un baiser sur la joue puis fit volte-face, s'avançant vers le lieu d’embarquement. "Oh et appelle-nous en arrivant ! Au revoir ma chérie ! La Jagger se retourna une dernière fois, un immense sourire aux lèvre : "Comptez-sur moi ! Au revoir, je vous aime ! " Un petit signe de la main et la voilà qui était partie.


"Non pas maintenant, please ! " Ne cessant d'appuyer en vain sur le bouton "démarrer", Arizona lâcha finalement un long soupir, blasée. "C'est pas vrai..." Et une imprimante de moins. Bien sûr, il fallait que ça lui arrive juste maintenant, alors qu'elle devait imprimer son article de toute urgence pour le montrer à son patron le lendemain matin, à la première heure. Oui vraiment, pourquoi fallait-il toujours que ce genre de choses arrive pile au mauvais moment ? Soupirant de plus belle, la brune retira la clé USB d'un coup sec avant de sortir de son appartement, légèrement agacée. Si elle ne pouvait pas imprimer chez elle, peut-être qu'une âme charitable le pourrait. Allant frapper à la porte d'en face, un sourire se dessina aussitôt sur son visage lorsque que quelqu'un ouvrit la porte. "Ouais, c'est pourquoi ?" "Bonjour je suis votre voisine d'en face, Mon imprimante est tombée en panne et je me demandais si vous..." Clac. "pouviez m'aider... La porte venait de se refermer juste devant son nez, sans même qu'elle n'ait pu terminer sa phrase. Ouah, on ne la lui encore jamais faite celle-là. "Eh bah dis donc, c'est que vous êtes polis vous ! Ne vous avisez pas de venir me demander quelque chose un jour parce que je ne prendrais même pas la peine de venir ouvrir la porte ! Et je ne vous remercie PAS !" Ouais déjà qu'elle était saoulée, là c'était le pompon. L'immeuble entier pouvait l'avoir entendue qu'elle s'en fichait, fallait pas jouer avec ses nerfs. Sérieusement ? Ça lui coûtait quoi à ce type, de l'écouter jusqu'au bout ? Trente secondes ? Non vraiment, elle n'en revenait pas. Nouveau long soupir, toujours plantée devant la même porte sans l'espoir de la voir s'ouvrir une deuxième fois, bien entendu. "Un problème ?" Tournant la tête, la Jagger découvrit avec surprise un jeune homme adossé au pas de la porte d'à côté. Oui oui, celle juste à droite de son appartement à elle. Un nouveau voisin ? Très certainement. "Euh non... Enfin si. Problème d'imprimante." Elle désigna la clé USB qu'elle tenait dans sa main avant de lui rendre son sourire, inconsciemment. Il faut dire qu'il était plutôt mignon et qu'il ne manquait pas de charisme. Au moins il paraissait sympa, lui. Ça allait la changer. "Vous venez d'emménager ?" Et c'était parti de là. Deux, trois mots échangés dans le couloir, un service rendu, parler sur le dos du voisin, faire connaissance... On peut dire que ça avait tout de suite accroché entre les deux. Et très rapidement, il était passé de "nouveau voisin" à "ami proche". L'avantage de vivre juste à côté, c'était qu'ils pouvaient se voir régulièrement, parfois simplement pour s'assoir à deux dans le canapé et regarder un film en mangeant des popcorns. Un ami avec qui elle pouvait rire, sans aucun tabou et le tout sans aucune ambiguïté, oui. Certes, il était du genre dragueur, ça, Arizona l'avait repéré dès le départ. Mais elle s'y était habituée maintenant et c'était finalement, une des choses qui faisait qu'elle l'appréciait. Jusqu'à un certain jour...  


Certains disent qu'il n'y a pas qu'un pas entre l'amour et à la haine. D'autres disent que les amitiés fille-garçon n'existent pas... Et si finalement toutes ces personnes avaient raison ? Et si finalement, il suffisait d'une chose, d'un acte, d'une phrase, pour tout changer ? Ce soir, Jay et elle étaient de sortie. Un petit dîner au restaurant, entre amis bien sûr. Cela faisait plusieurs mois maintenant qu'ils se connaissaient et même s'il avait un sourire de tombeur, qu'il avait vraiment beaucoup de charme et qu'ils s'entendaient très bien, la Jagger n'avait pas craqué. Après tout, elle était plutôt du genre à ne pas se préoccuper de ce genre de choses et à profiter de l'instant présent mais surtout, de se concentrer sur son travail. Oui, c'était une femme sérieuse, parfois même trop, mais c'était pour ça qu'on l'aimait. Et ce soir, la rédactrice s'était mise en tête de trouver la fille pour son ami. Enfin la fille... disons plutôt son prochain plan. Pas qu'il avait besoin d'aide de ce côté là, non, mais puisque depuis le début du repas, les gens ne faisaient qu'entrer et sortir, ça l'amusait de demander l'opinion de Jay à chaque fois qu'une femme faisait son apparition. Bon, en vrai, c'était surtout pour l'embêter, il fallait bien l'avouer et ça marchait. "Oh et elle ? Plutôt jolie non ? Qu'est-ce que tu en penses ?" Mais le blond ne prit même pas la peine de tourner la tête, son regard fixé sur son amie, un fin sourire aux lèvres, il semblait sérieux. "Arrête avec ça maintenant, elles ne m'intéressent pas. En fait, il n'y en a qu'une qui m'intéresse..." Fronçant légèrement les sourcils, la Jagger resta silencieuse, étonnée. Attendez, c'était bien lui qui venait de dire ça ? Qu'une seule fille l'intéressait ? Une première... Elle se demandait bien qui était l'heureuse élue qui avait réussi à faire chavirer le cœur du jeune homme. Mais la réponse ne tarda pas à venir. S'étant un peu rapproché, Jay reprit la parole, toujours l'air aussi sérieux que précédemment, si ce n'est plus. "Je... Je crois que je suis amoureux de toi, Arizona Jagger." Et bah ça alors... Si elle s'y attendait... Bouche bée, voilà ce qu'elle était. La brune voulait parler mais aucun son ne sortir de sa bouche. Et de toute manière il ne lui laissa pas le temps de répondre qu'il s'emparait déjà de ses lèvres pour l'embrasser, comme pour illustrer ses paroles. Puis, il se leva et disparut dans le fond du restaurant, lui demandant "une minute" comme il avait dit. Ce n'était pas Arizona qui serait contre. Il pouvait même s'absenter dix minutes que ça ne la dérangeait pas, elle devait réfléchir maintenant. Parce que ce qui venait de se passer, là, à l'instant, ça l'avait rendue confuse. En même temps, qui ne le serait pas ? Elle adorait Jay, vraiment. Mais ressentait-elle quelque chose de plus pour lui ? Possible... Elle ne savait pas. Bzzz, bzzzz. Hésitant un instant, la jeune femme attrapa finalement le portable de son ami qui l'avait laissé sur la table afin de répondre à l'appel qui devait être urgent vu l'heure qu'il était. Malheureusement, elle n'avait pas décroché assez rapidement pour la personne en question. Un appel manqué, tant pis. Faisant glisser son doigt vers la droite pour fermer la petite fenêtre, elle tomba directement sur la dernière page internet qu'il avait ouvert. "Qu'est-ce que..." Fronçant les sourcils, elle zooma, ayant peur de comprendre ce qu'elle venait de lire.

Page internet:

Elle n'en croyait pas ses yeux. Non seulement, tout ceci n'était que comédie mais en plus, il lui avait fait ça, à elle. Sans aucune gêne, il était prêt à jouer avec ses sentiments. Il avait fait. Et tout ça pour un stupide défi ? Non mais c'était quoi ce site d'abord ? Comment pouvait-on accepter de jouer avec les autres au risque de leur faire du mal pour un simple jeu ? Décidément, elle ne comprenait pas. Elle ne reconnaissait pas son ami ou plutôt, elle venait de découvrir qui il était vraiment. Leur amitié avait donc si peu d'importance pour qu'il puisse faire ça ? Ou bien il s'était dit qu'elle lui pardonnerait plus facilement comme c'était elle ? Arizona ne savait même pas ce qui était le pire dans tout ça, le fait qu'il ait pensé à pouvoir profiter de la situation pour vouloir coucher avec ou bien que le message ait été posté avant même qu'il ne mette son plan à exécution. C'est qu'il avait vachement confiance en lui le Jay... Trop d'ailleurs. Heureusement qu'elle découvrait ça maintenant et pas au bout d'une semaine, après lui avoir avoué que finalement, elle aussi ressentait plus que de l'amitié. Comme ça tout était réglé, elle n'aurait pas à se torturer l'esprit pendant des heures. Il lui facilitait au moins la tâche de ce côté là. "Tout va bien ?" Ah, il était de retour, son fameux sourire un poil arrogant toujours scotché à son visage. Le regardant avec dégoût, Arizona se leva d'un bond et vint porter sa main sur la joue du jeune homme, en y mettant toute la force et la haine qu'elle pouvait dedans. Outch. Ça devait faire mal. Il pouvait bien garder la trace de ses doigts pendant trois jours qu'elle s'en fichait complètement. C'était entièrement mérité. "Dommage que celle-ci ne rapporte pas de points." Et la brune quitta le restaurant, sans se retourner une seule fois, montant dans le premier taxi qui apparut dans son champ de vision. Furieuse, elle l'était plus que tout. En fait, ce n'était pas suffisant comme mot pour décrire ce qu'elle ressentait. Mais une chose était certaine : la Jagger n'était pas prête de ne se faire avoir de nouveau. Trop bonne, trop conne, comme on dit.