J’appuie sur play, et là une musique douce et apaisante retenti, j'ignore pourquoi, je suis inspiré, là d'un coup, sans prévenir, j'ai envie d'écrire. Je crois que si j'avais envie de résumer ma vie, je dirais qu'elle est remplie d'imprévus, de choses auxquelles je ne m'attendais pas, de choses qui ressemblent à des surprises, bonnes ou mauvaises, à moi d'en juger, néanmoins, j'ai la conviction que rien, non rien ne se passe jamais comme on l'avait imaginé. Et si vous voulez absolument tout savoir, ça m’effraie énormément. Ne pas pouvoir contrôler les choses, sentir qu’elles nous échappent, sentir cette fatalité m’angoisse au plus haut point. C’est comme si quelqu’un avait déjà tout écrit et que nous subissions les choses sans pouvoir faire quoi que se soit, malgré nous.
Je m’appelle Jayden, Jayden Lewis. Je suis né à Los Angeles il y a déjà presque trente ans, mon Dieu que le temps passe, qu’est-ce qu’il file celui-ci, parfois, quand je repense à tout le chemin que j’ai parcouru jusqu' aujourd’hui, je me dis que je n’ai pas vu toutes ces années passer, c’est étrange comme sentiment, vraiment.
En lisant ces quelques lignes vous penserez certainement que je suis une personne angoissée, une personne qui se pose beaucoup de questions, et je pense que vous aurez raison là-dessus sans hésitation. Pour mieux me comprendre, je pense néanmoins qu’il faudrait que je vous explique, comment tout a commencé, comment je suis devenu ce que je suis, comment j’en suis arrivé-là.
Personne n'est infaillible.
Je suis l’enfant de deux personnes extraordinaires, des parents présents et avenants au possible, le deuxième enfant plus exactement. Avant moi, il y’a eu Taylor, ma grande sœur. Ma mère était mère au foyer, très attentionnée, toujours là quand on avait besoin d’elle. Elle était une femme de très bon conseil, une femme magnifique. Mon père lui, était un brillant avocat, c’est d’ailleurs lui qui m’a transmis son savoir, je l’admirais, il était comme un véritable modèle à mes yeux. Si je parle au passé de ces deux personnes, ce n’est pas anodin. A vrai-dire c’est même fondé. Ils ne sont plus là.
Je me souviens encore de cette fameuse soirée comme si c’était hier, comme si je la revivais chaque jour que Dieu faisait, comme si elle me hantait, comme si c’était joué en boucle.
« Oui mon chéri, notre avion vient d’atterrir à l’instant, nous avons eu un peu de retard, mais je te promets que nous allons faire notre possible pour être là à temps pour te voir souffler des bougies, et puis, nous t’avons ramené un cadeau qui devrait réellement te plaire ! Dis à Taylor de mettre le champagne au frais ! »J’avais raccroché en espérant de tout cœur qu’ils soient là à temps, j’avais raccroché ce téléphone sans savoir que ce serait la dernière fois que j’entendrais la voix de ma mère.
Nous étions tous là, mes amis et ma famille, nous attendions l’arrivée de mes parents, s’inquiétant de ne pas les voir arriver une heure plus tard, mais nous mettions ça sur le compte de la circulation qui devait probablement être difficile à ce moment-là. La sonnette de notre porte d’entrée retentit alors, je me dépêchais d’aller ouvrir pour trouver un policier juste devant moi.
« Je suis bien chez la famille Lewis ? » J’avais froncé les sourcils je m’en souviens encore.
« Oui c’est ici. » Je ne comprenais pas, j’attendais.
« Vos parents ont eu un accident de voiture. » J’étais resté figé devant la porte, sans réaction apparente, mais de l’intérieur j’étais anéanti. J’aurais pu demander à en savoir plus, mais la mine du policier en disait long, il n’osait pas terminer sa phrase, j’avais 14 ans, je fêtais mes 15 ans ce soir-là. C’est difficile d’annoncer un décès, mais encore plus à un petit garçon. Néanmoins, j’avais compris ce qu’il se passait mais je restais là, figé, bloqué, comme neutralisé sur place. Ma grand-mère et ma sœur s’étaient alors avancées jusqu’à la porte, ne comprenant pas pourquoi mes parents n’étaient toujours pas entrés dans la salle principale. La nouvelle ne fit qu’un tour. Autant vous dire, que ce soir-là, le champagne était resté au frais.
Et voilà, plus rien. Toutes nos habitudes, toutes nos disputes, tous nos moments de bonheur, il n’y avait plus rien, comme envolés. C’est comme si nous étions vidés, on vous prend les personnes en qui, vous croyez le plus au monde, on vous les enlève, sans la moindre explication, sans justice, sans rien. Et là tu te dis, c’est comme ça, et ça va le rester, donc c’est soit : tu acceptes, et tu te lèves et tu vis avec, soit tu finis mal.
Nous avons du plier bagages. Nous avons ainsi déménagé chez ma tante à New-York, loin, très loin de mon Los Angeles natal.
Pour être honnête, j’ai tout d’abord opté pour l’option « tu finis mal ». Nous étions deux maintenant, ma sœur avait 18 ans à l’époque, elle pouvait alors s’occuper de moi, sans oublier l’aide de toute notre famille qui se sentait énormément concernée pour nous deux. Alors je suis sorti, jusque pas d’heure, j’ai commencé à boire, j’étais dans l’âge bête, celui qui vous fait croire que vous êtes invincible, intouchable. Drogue, alcool, cigarettes, les filles, tout y passait, ma sœur était devenue impuissante face à moi. Echec scolaire, malgré mes « capacités inexploitées. » Mais je m’en fichais, je me fichais de tout, à mes yeux, je devais me venger sur la vie, quitte à mettre ma vie en danger, ça n’avait pas d’importance, le but était de tester mes limites, d’aller toujours au-delà. Et puis il a bien fallu se calmer, j’ai été plus d’une fois beaucoup trop loin, ma sœur ne savait plus quoi faire avec moi. J’ai réussi, et je ne sais de quelle manière, à me remettre un peu en question, je voyais le mal que je faisais autour de moi, et je savais que ça ne me ressemblait pas. J’ai compris qu’il fallait plutôt que je pense à l’image que je reflétais de moi, à l’image que mes parents auraient de moi s’ils me voyaient comme ça. Et j’ai compris alors, qu’il fallait que ça cesse.
Avec ma sœur, nous nous sommes serrés les coudes, nous sommes devenus très liés à vrai-dire. Nous vivions d’une manière aisée, mes parents avaient bien-sûr assuré tout ce qui était financier, mais ça ne m’avait pas étonné, ils avaient toujours une longueur d’avance sur tout.
Alors ouais, j’ai levé la tête et j’ai décidé d’avancer. J’ai commencé à travailler à l’école, j’ai eu des amourettes, je ne dis pas que j’ai toujours était sérieux là-dessus, néanmoins je n’étais pas un sale con, mais après restons censé, je suis un garçon tout de même ! Et puis est arrivé le moment d’entrer à l’université. J’ai choisi le droit bien entendu, j’ai toujours été attiré par ça, mon père avait su correctement me transmettre ce même goût pour ce qui est juste ou non. A l’université, je faisais partie d’une fratrie, ce qui n’a fait qu’augmenter ma petite popularité et je n’en n’étais pas peu fier. J’adorais ça, j’étais vraiment dans mon élément. J’avais beaucoup d’amis, et d’amies aussi. Je flirtais à droite à gauche, je collectionnais les nuits d’amour. Si ma vie n’a pas parue bien gaie jusque là, je dois avouer que ce que je vais vous raconter ensuite, va clairement remonter le tout.
Je participais à une soirée étudiante, comme à mon habitude, avec mes amis, dès qu’on pouvait boire de l’alcool, écouter de la musique et s’amuser un peu, nous étions forcément de la partie. Je me souviens encore, j’étais contre le bar, à répondre à une fille inintéressante qui ne cessait de me parler de son ex, autant vous dire que je me fichais éperdument de ce qu’elle pouvait bien me raconter, néanmoins j’envisageais de la ramener dans ma chambre d’étudiant plus tard, après tout, elle n’était pas laide. Et c’est là, que je l’ai vue entrer. Vous allez croire qu’il s’agit d’un vieux film romantique très mal filmé et un peu cliché. Mais quand je vous dis, que j’ai vraiment été ébloui, je ne mens pas. C’est comme si le temps s’était arrêté. Nos regards s’étaient alors croisés, et des sourires timides avaient ensuite suivis, c’est comme si nous avions vécu la même chose au même moment. Comme si nous étions les victimes d’un véritable coup de foudre. La belle October m’avait clairement tapé dans l’œil, à moi petit coureur de jupon de l’université de Miami.
J’étais tout niais, je ne savais même pas comment l’aborder, tous les garçons avaient les yeux rivés sur elle, et l’intérêt qu’elle me portait me semblait être ridicule. Pour la première fois j’étais devenu timide ! Mais plus têtu que timide, j’avais pris mon courage à deux mains, parce que je savais perpétuellement qu’il n’en tenait qu’à moi après tout.
Je souhaite à quiconque de vivre ça un jour. Ce sentiment indescriptible, qui fait qu’on se lève tous les matins avec l’envie de commencer une nouvelle journée à ses côtés. Vous vous doutez bien qu’avec October, il y a eu beaucoup de hauts, mais aussi beaucoup de bas. Nous nous sommes séparés, pour mieux nous retrouver à plusieurs reprises. Comme si nous ne pouvions pas nous passer l’un de l’autre. Elle était la femme idéale à mes yeux, une beauté sans nom, un charme monstrueux et une joie de vivre inégalable, je l’aimais, comme un fou, je l’aimais.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin. October et moi, nous étions tellement fusionnels que notre amour nous détruisait presque. Au fur et à mesure du temps, une sorte de possessivité s’était installée entre elle et moi, ça en devenait presque invivable. Nous étions sans arrêt là, à nous demander si l’autre ne commettait pas une infidélité, sans cesse à se méfier de tout et de tout le monde.
Nous ne pouvions pas rester comme ça. Jusqu’au jour où une ultime dispute a éclaté sur un sujet bidon comme d’habitude. Sauf que cette fois-ci fût différente.
Je n’ai su que quelques jours plus tard que j’étais cocu. Le journal de notre école ou plutôt la personne chargée des ragots n’avait pas pris de gants pour me le faire savoir, et j’avais été la risée de l’université durant plusieurs jours après cela. Ça n’avait fait qu’un tour dans ma tête, et j’avais quitté October sur le champ, furieux et terriblement déçu. Elle m’avait littéralement brisé le cœur, c’est comme si tout ce que nous avions construit avait été jeté à l’eau, comme si ça n’avait jamais existé, tout était parti en fumée en un rien de temps.
Comme tout homme tentant d’oublier une femme, j’ai essayé d’enchaîner les conquêtes, sans jamais réussir à m’attacher, je préférais me préserver, et ne me soucier que de mon propre plaisir. Je savais que je plaisais, et je savais en jouer. Je profitais simplement. Ce n’était pas la meilleure solution, mais s’en était une malgré tout, et elle me convenait.
Après avoir été diplômé de l’Université, j’ai plié bagages. Ma sœur me priait de rester mais j’avais grandement besoin de changer d’air. J’avais envie de me construire, de voir ce que je valais vraiment, de prendre mon envol.
Retour à Los Angeles, la ville de mon coeur. J’ai rapidement trouvé du travail dans un petit cabinet d’avocat, je pouvais enfin m’épanouir complètement et montrer au monde ce que je valais. Je me suis donné corps et âme jusqu’à ce que cela soit payant, jusqu’à me faire un nom.
J’avais à ma disposition un très bel appartement d’où j’avais l’impression de pouvoir conquérir le monde. Mais voilà, malgré la vie de rêve que je menais ici, je restais seul, loin de ma sœur et ma famille, ils me manquaient, mes anciens amis avec qui j’étais resté en contact également, le retour aux sources me trottait quelque peu dans la tête, j’avais besoin de revenir. Revenir après trois années fabuleuses.
Je suis rentré à New-York, la ville de tout les possibles. Il n’a pas fallu bien longtemps pour qu’un ancien collègue à mon père me contacte afin que je travaille à ses côtés. Il se faisait vieux, il avait besoin d’un coup de jeune, le cabinet d’avocat qu’il tenait à Los Angeles ouvrait ses portes sur la grosse pomme, il avait clairement besoin de renouveau et il avait pensé à moi. J’étais le fils de son collègue, de son ami défunt. Ma venue était à ses yeux quelque chose de symbolique, il y tenait personnellement, et c’était pour moi, un véritable honneur d'avoir l'opportunité et l'immense privilège de pouvoir marcher sur les pas de mon modèle de toujours : Mon père.
Depuis peu, j’ai retrouvé les personnes que j’aime à ma plus grande satisfaction. Je mène une vie tranquille et épanouissante au possible. Je n’ai pas à me plaindre réellement. Je pense que j’ai énormément de chance, même si je ne crois pas réellement en celle-ci.
Je n’ai toujours pas trouvé la femme de ma vie, mais je ne fais pas de cela une réelle priorité, disons que je vis simplement au jour le jour, sans me soucier trop de l’avenir et des conséquences. Je suis relativement jeune et j’ai parfaitement le temps de m’occuper de cela plus tard. Vivons simplement l'instant présent, et puis le reste, on s'en fiche.