C'était une nuit froide. Une de ces nuits que je n'arrivais pas à aimer au contraire des enfants. A l'approche de Noël leur joie de vivre et leur énergie semblaient subitement redoubler. Plus sages que les trois quarts du temps, ça ne les empêchaient pas d'être tout excités, Cameron plus que Casey d'ailleurs. Cette période de l'année était celle qu'il préférait, une chose que je n'arriverais sans doute jamais à comprendre. Située tout au nord-ouest de l’Écosse, sur la grande île de Skye, Portree était une ville où il ne faisait jamais spécialement chaud. Pour être né et avoir grandi ici-même j'étais habitué aux fraîcheurs, mais je n'avais jamais été un adepte de l'hiver pour autant, au contraire de mon fils. Les basses températures, la neige, l'esprit festif qui régnait partout en ville, tout ça était pour lui la plus belle chose qui soit. Peut-être était-ce dû à son innocence, une chose que je lui enviai grandement, surtout aujourd'hui. Lui et Casey ne s'étaient jamais rendus compte de quoi que ce soit. Bien que malade, leur mère était très douée pour dissimuler certaines petites choses qu'elle ne tenait pas à ce que les autres apprennent. J'aurais préféré qu'il en soit autrement et, par-dessus tout, qu'elle accepte de se soigner. Laoghaire voyait ça comme une tare, personnellement je voyais ça comme une maladie que l'on pouvait traiter et qui pourrait ne plus être une véritable menace pour notre famille. C'était là notre sujet de dispute favori et en début de soirée ce fut d'autant plus le cas au point qu'elle claqua violemment la porte pour ne plus revenir. Ce n'était pas nouveau. J'avais l'habitude de ses petites crises. Elle finissait toujours par revenir même si une petite voix ne cessait de me répéter depuis maintenant une bonne heure que quelque chose n'allait pas. Ce soir, Casey avait son cours de danse. Sport qu'elle pratiquait depuis qu'elle avait quatre ans, j'avais l'habitude de ne pas la voir avant tard le soir. L'une de ses meilleures amies suivant le même cours, elle mangeait chez cette dernière et c'étaient les parents de cette même amie qui l’amenaient au cours. Laoghaire se chargeait de la ramener à la maison ce pourquoi je ne m’inquiétai pas lorsqu'elle ne rentrait pas de suite, persuadé que si elle ne rentrait pas c'était parce qu'elle attendait la sortie de notre fille. Alors je m’endormis. Assis sur le fauteuil près de la cheminé dans laquelle crépitait un feu, mes paupière se fermèrent doucement et mon esprit quitta le monde réel pour rejoindre celui des rêves. Je ne saurais dire quel fut le sujet exact de mon rêve, toutefois je peux vous affirmer que le cri effroyable que poussa Cameron fut bel et bien la raison de mon réveil en sursaut. Après l'avoir entendu, je ne cherchai même pas à savoir l'heure. Je ne remarquai pas plus le feu éteint dans l'âtre. Je me contentai de courir en direction de l'escalier dont je gravis les marches quatre à quatre jusqu'à atteindre la chambre de mon fils redressé sur son lit, le visage baigné de larmes. « Papa ! » M'interpella-t-il en me remarquant sur le pas de sa porte. J'allumai la lumière et allai dans sa direction, prenant place sur le bord de son lit, mon myocarde tambourinant contre ma poitrine. « Qu'est-ce qui se passe Cam ? » Demandai-je en l'amenant contre moi. Je l'avoue, je m'étais attendu au pire en l'entendant hurler de la sorte mais j'avais compris en montant l'escalier que ce n'était probablement qu'un cauchemar. « J'ai vu maman et Casey. Elles avaient mal et y avait du verre et du sang partout. Casey elle m'appelait en pleurant mais je pouvais pas l'aider. J'ai essayé, papa, mais j'y arrivai pas. » M'expliqua-t-il avant d'être secoué d'un violent sanglot. Je le serrai un peu plus contre moi en lui assurant que ce n'était qu'un mauvais rêve, que désormais tout allait bien et qu'il n'avait pas plus à s'inquiéter lorsque la sonnerie de la porte d'entrée retentit dans toute la maison. Je redressai la tête un instant puis je baissai les yeux vers mon garçon. « Reste au chaud, Cam. Je vais voir qui sonne. » Je le poussai à s'allonger de nouveau dans son lit et je remontai sa couverture jusqu'à son menton avant de redescendre. Ma petite voix semblait s’être elle aussi à nouveau réveillée et elle me hurlait de m'attendre au pire. Je la chassai comme je pus ce qui, physiquement aurait donné l'impression que je chassai une mouche en agitant la main dans tous les sens. Cette main – réelle cette fois – tourna la clé pour déverrouiller la serrure, appuya sur la poignée et ouvrit la porte. « Monsieur MacKenzie ? » Me demanda l'inspecteur qui se trouvait désormais en face de moi. Question stupide, vraiment. Mon nom était écrit en grosses lettres sur la boîte aux lettres au niveau de la barrière qu'il avait franchi pour gagner le perron de la maison. « C'est moi. » Répondis-je malgré tout, ma main se crispant sur la poignée que je n'avais toujours pas lâché. A ce moment je su. Je compris que le rêve de Cameron, aussi étrange que cela soit, n'en était pas vraiment un. Je su avant même que le policier ouvre la bouche que ce qu'il avait à m'annoncer n'allait pas me plaire et que, pis encore, ça allait grandement se rapprocher des propos du petit garçon, qui je l'espérais, se trouvait toujours bien au chaud sous sa couette et qui – avec tout autant d'espoir – n'entendrait pas la conversation qui allait suivre.

J'ai onze ans ... vous savez ce que ça fait ? Absolument rien. Oui c'est bien ça. Onze années de vie sur terre, c'est long pour certains, court pour d'autres. Moi je ne sais pas vraiment. En revanche je peux vous dire que j'ai souvent tendance à détester ma vie, oui aussi jeune. J'ai une vie de merde, ce n'est pas très poli toutefois ce n'est que la stricte vérité. Je vois difficilement comment la qualifier autrement. Vous souhaitez peut-être un peu plus d'explications, non ? Oui ? Allons-y alors ! J'avais dix ans lorsque ma mère et ma sœur jumelle ont eu un accident de voiture. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés ce qui n'a pas empêché la police de les considérer comme définitivement mortes après quelques mois d'intensives recherches. Mon père a eu du mal à s'en remettre alors que moi, selon le psychologue que je suivais durant toute cette période, je vivais dans le déni. Encore aujourd'hui je suis persuadé que Casey (ma sœur jumelle) n'est pas morte parce que si c'était le cas je le saurais, n'est-ce pas ? J'ai su lorsqu'elle a eu l'accident, je devrais le savoir aussi si elle n'était plus de ce monde ... Mais qu'importe. J'ai beau être en avance sur mon âge, plus mature que la plupart des enfants de onze ans, il parait que je ne le suis pas assez pour accepter le décès de deux membres de ma famille. Est-ce que je peux vraiment être blâmé pour ça ? J'en doute. Mon père ne supportant pas de voir les fantômes de sa femme et de sa fille partout, il a pris la décision de nous faire quitter non seulement notre petite île de Skye mais aussi l’Écosse, ce pays que j'aimais plus que tout. Ça, je l'avoue, j'ai eu beaucoup de mal à l'accepter surtout lorsqu'il a fallu que je m'habitue aux États-Unis. Un petit Écossais d'une ville petite et tranquille qui débarque en Virginie avec son accent bien prononcé, l'adaptation n'a pas été simple. Pour mon père ça n'a pas été la même chose. Peut-être est-ce dû au fait qu'il est adulte ou tout simplement parce qu'il a retrouvé son meilleur ami. James Gallagher c'est ainsi qu'il se prénomme. C'est également mon parrain si jamais ce détail vous intéresse un tant soit peu. Nous nous sommes donc installés à Quantico, en Virginie, dans une maison que je considérai comme trop grande pour uniquement deux personnes et qui l'a encore plus été lorsque mon père a été appelé à partir au Kenya avec l'armée. Résultat, il a loué la maison et il m'a confié aux bons soins de Gallagher. Pour moi, ce n'était pas une aventure de plus, c'était un malheur à ajouter aux précédents. Je n'ai jamais aimé voir mon père partir. C'est un héros et j'en suis fier, mais je sais qu'il y a toujours ce risque qu'il ne rentre jamais à la maison et que, cette fois, je perde toute ma famille d'un coup. M'adapter à mon nouvel environnement chez James a été tout aussi difficile que m'adapter aux USA. Je suis devenu trop timide, trop renfermé. La seule personne à qui j'acceptai de parler dans les débuts était Oliana. Sans savoir l'expliquer, le courant est vite passé entre elle et moi. C'était la seule à qui j'acceptai de parler et de me confier. Son frère ne me supportait pas à peine mes valises poser chez eux et les autres ... je n'ai jamais cherché à faire le premier pas. Tout ce que j'attendais était le retour de mon père et donc quitter la maison des Gallagher. Et puis il y a eu ce flash info un soir alors que nous étions tous à table. Comme d'habitude, je ne parlais pas même si les conversations fusaient de tous les côtés. On a tous entendu les mots ''attentat'' et ''Kenya''. D'un coup c'était comme si nous pouvions entendre une mouche voler. J'ai rivé directement mes yeux sur l'écran de la télévision et les images m'ont été insupportables. J'ai quitté la table sans demander la permission et j'ai couru dans ma chambre pour ne plus en sortir avant deux jours. Et ça, ça n'a été que le début de ma chute en enfer à tout juste onze ans.
« Cameron ? » Caché dans l'armoire, le propriétaire de cette voix, je n'avais pas envie de le voir. Je savais que trop bien ce qu'il venait m'annoncer. Je n'étais pas idiot. La voiture garée en bas, les deux hommes en uniforme qui en étaient sortis étaient assez d'indices pour comprendre ce que nous allions apprendre. Pourtant, je m'étais tout de même glissé hors de ma chambre, m'asseyant tout en haut de l'escalier comme pour m'assurer que je faisais erreur alors qu'au plus profond de moi je savais que ce n'était pas le cas. Oliana a dû voir la voiture elle aussi parce qu'elle me rejoignit sur la marche. Sa main a cherché la mienne et l'a rapidement trouvé. Je n'étais pas certain de vouloir être en présence de qui que ce soit, mais elle ... je ne pouvais pas refuser son soutien. J'ai tendu l'oreille alors que James accompagnait les deux hommes dans le salon, soit la pièce sans porte donnant directement sur l'escalier, mauvaise idée s'il ne voulait pas que j'entende quoi que ce soit même si pour ça il fallait supposer que je sois là où j'étais. J'ai écouté attentivement jusqu'à entendre "porté disparu". Ça m'a suffit. La suite je ne voulais pas l'entendre parce que je savais très bien ce que décidait l'armée lorsqu'un des leurs n'était pas retrouvé au bout d'un certain temps. Mon père me l'avait déjà expliqué lorsque j'avais été trop curieux et que je lui avais posé une avalanche de questions sur son métier. J'ai lâché la main d'Oliana, je me suis levé et je suis parti m'enfermer dans ma chambre ... dans l'armoire de cette dernière plus exactement, un endroit certes tout petit mais qui me donnait l'impression d'être protégé contre le monde entier. La notion du temps a fini par m'échapper. Je m'étais probablement endormi jusqu'à ce que deux petits coups soient donnés contre le bois de la porte. En entendant James m'appeler, je n'ai pas bougé pas plus que je n'ai parlé. Ça ne l'a pas empêché d'entrer dans la pièce, de venir devant mon armoire, d'en ouvrir les portes et de s'asseoir à côté de moi. Nous sommes restés comme ça un long moment. Je fixai un point droit devant moi et lui ... je ne saurais dire puisque je ne le regardai pas. Et puis j'ai commencé à pleurer. Depuis le départ de mon père, depuis le décès de ma mère et de ma sœur, je n'avais pas versé une seule larme. L'enterrement n'avait pas déclenché le mécanisme non plus, mais là je me suis à pleurer. Toutes les larmes ravalées, toute la tristesse, la colère et incompréhension eurent raison de moi et je me suis mis à pleurer comme jamais je n'avais pleuré toutes ces années. Un bras protecteur de James est passé autour de mes épaules. Doucement, il m'a amené contre lui pour me serrer dans ses bras. Sans un mot. Sans rien. Il savait que j'avais seulement besoin de réconfort et de pleurer, encore et encore. Je n'étais pas seul au monde même si c'était l'impression que je pouvais avoir à cet instant. D'abord ma mère et ma sœur, maintenant mon père. J'étais orphelin et pas franchement certain d'être capable de l'accepter rapidement. Mais je n'étais pas seul pour autant et même si j'en avais pas encore conscience c'était cette affirmation qui allait me permettre de garder la tête hors de l'eau, de ne pas me noyer mais surtout d'aller de l'avant avec une toute nouvelle famille.

« Ibiza ? Sérieusement ? » Franchement ... de toutes les destinations qu'elle pouvait choisir pour son stage il a fallu que ça soit celle-là. Qu'est-ce qu'elle cherche au juste, que je m'énerve ? Et bien elle y parvient et je suis certain qu'elle le sait très bien. Notre relation va de mal en pis depuis que je suis avec Zooey ce que je ne parviens pas à m'expliquer, ou alors je refuse de le faire ce qui est tout aussi probable. Mais Ibiza ! J'ai toujours été protecteur avec les filles Gallagher, ça n'a jamais été une surprise de me voir m'incruster dans leur vie pour virer un gars que je suspectai comme n'étant pas fréquentable. Je suis très doué pour ça. Ce ne sont pas seulement mes études en criminologie et victimologie qui m'ont aidé à savoir lire en quelqu'un, j'ai toujours su le faire ce qui a impressionné mes supérieurs dès le début. Sans me vanter, je sais être la meilleure recrue de ma promotion. A peine mes études à l'université terminées qu'on m'a proposé d'entrer à l'Académie du F.B.I. J'y pensai moi-même. C'était soit ça, soit l'armée pour honorer la mémoire de mon père, cette personne dont je garde encore aujourd'hui le nom malgré la proposition de James et Cassie Gallagher de m'adopter - proposition refusée très clairement d'ailleurs. Mais le F.B.I m'a plus tenté que le reste. J'ai commencé mon stage, j'en ai bavé comme tout le monde mais je me suis accroché et je suis vite monté en tête de classement jusqu'à obtenir mon diplôme et être envoyé au siège à Washington. Quitter Quantico a été un peu difficile et étrange, mais je n'ai pas été le seul à partir dans la capitale américaine et dans ses alentours me permettant ainsi de ne pas trop perdre mes repères. Rencontrée au cours de mon stage, Zooey et moi avons débuté une relation non exclusive. Je voulais avant tout me concentrer sur mon stage, parvenir à mes fins même si j'étais loin d'être contre l'idée de me glisser entre ses jambes assez régulièrement - oui c'est très poétique, je sais. Mais la demoiselle voulant toujours plus, nous avons fini par nous mettre ensemble ce qui a été le début de la dégradation de ma relation avec l'une de mes "sœurs". Oliana ne s'est jamais gênée pour dire clairement ce qu'elle pensait de mes petites amies, chose que j'ai toujours su lui rendre mais là ... ça prenait des proportions parfois agaçantes créant conflits sur conflits ce qui nous a jamais empêché de dormir ensemble tout aussi souvent que par le passé ... jusqu'à ce que je décide de m'installer avec Zooey. Et voilà qu'Evan m'annonce qu'elle va partir faire un stage à Ibiza. Bah voyons. « C'est plutôt bien Ibiza. » Affirme Evan en amenant sa bière à ses lèvres. Je secouai la tête de gauche à droite en soupirant. « Ça c'est sûr si tu veux t'envoyer en l'air tous les soirs avec une tête différente à chaque fois. Ibiza c'est bien pour ... nous. Enfin toi, moi ça risque de pas plaire. » Zooey passe juste après, me réduisant au silence jusqu'à ce qu'elle ait disparu dans une autre pièce. « J'aime pas ça. » Dis-je ensuite. Mais qui suis-je pour dire quoi que ce soit de toute façon ? Certes, je fais partie de la famille Gallagher. Aileen, Benjamin, Evan et Oliana sont comme mes frères et sœurs, Cassie et James comme mes parents, mais ce n'est pas à moi de dire quoi que ce soit concernant les choix d'Oliana même si ça me démange. « Et après ça tu oses me dire qu'il y a rien entre toi et ma sœur ? Faut vraiment que tu ouvres les yeux, que vous le faisiez tous les deux parce que ça devient vraiment lourd à la longue. » Je fais immédiatement signe à Evan de parler moins fort. Zooey se trouve peut-être à l'autre bout de l'appartement mais lorsqu'il est question d'Oliana (et de ma relation avec celle-ci) c'est à croire que son audition se décuple d'un coup. « Quoi ? C'est toi qui a décidé de t'enfermer dans une relation avec elle, c'est toi le con. » Peut-être bien. Qu'est-ce que j'en sais après tout ? Je veux dire, Oliana c'est comme ma sœur, Evan le sait et pourtant il a toujours été persuadé qu'il y avait plus entre elle et moi ce qui ne l'a jamais offusqué, au contraire, il semblerait même que ça le réjouis. Mais moi je vois ça comme une sorte d'inceste et ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. « Je passerais la voir avant qu'elle parte. » Je lance afin de dévier un peu le sujet et là, mon meilleur ami et "frère adoptif" se met à rire. « T'auras qu'à lui amener du chocolat et des fleurs pendant que tu y es ... quoi qu'elle serait capable de te les faire bouffer, les chocolats comme les fleurs. » Oh ça je n'en doute pas mais ça ne m'empêchera pas d'y aller pour lui dire ce que je pense de son départ et probablement aussi pour m'éloigner de cet appartement où s'entasse les cartons et où je dois affronter une petite amie plus tendue que jamais.

Elles tremblaient. Elles refusaient de s'arrêter comme si mon cerveau tenait à me faire remarquer par tous les moyens que l'angoisse était en train de grandir en moi. Mon estomac me l'avait déjà fait remarquer et ce le jour-même où j'avais pensé à cet instant. Toute la soirée avait été préparée des mois à l'avance. Je tenais à ce que tout soit parfait en perfectionniste que je pouvais être mais j'avais la désagréable sensation qu'il y aurait toujours un petit détail qui le ne ferait pas, juste une petite chose pour venir me titiller. Je serrai les poings jusqu'à m'enfoncer le peu d'ongle que j'avais dans la paume de mes mains et lorsque je desserrai celles-ci continuaient de trembler. Paupières closes, je secouai la tête de gauche à droite, agacé par le comportement de mon propre corps. Il fallait que je souffle un coup, que je respire pour me détendre si une chose pareille était possible dans un moment comme celui-ci. De mémoire, je n'avais pas autant angoissé depuis mon examen final à l'académie, et encore ... je n'avais pas autant eu l'impression que toute ma vie se jouait. Mes yeux à nouveau ouverts je regardai autour de moi. Peut-être était-ce le froid qui me faisait trembler. Non ... je savais bien que ce n'était pas ça. Mon regard alla se poser au loin, à plusieurs mètres de l'endroit où je me trouvai. Les lumières du chalet devaient être visibles à bien des mètres à la ronde. Situé assez haut sur la montage, il était avant tout entouré d'une forêt dont les sapins étaient largement recouverts de neige. En journée la vue était magnifique bien qu'avoir le vertige était fortement déconseillé mais la nuit ... cet endroit me donnait parfois la chair de poule même si ça ne m'empêchait d'y revenir quasiment tous les ans pour Noël. Je ne gardai pas grand-chose de mes parents, mais ce chalet en France entretenait les souvenirs qu'il me restait d'eux. Toutefois, plutôt que d'y aller en compagnie de tous les Gallagher, cette année Noël se faisait entre amis et surtout en présence d'Oliana dont la simple pensée força mon estomac à se contracter pour la énième fois. Je regardai encore autour de moi si tout était parfait et en entendant des voix provenir du chalet je ne pus que décider que c'était le cas. Je n'avais plus le temps pour des détails de dernière minute. Cette soirée était, pour une fois, douce même si la fraîcheur se faisait tout de même ressentir. Néanmoins pas de tempête de neige à l’horizon est le vent ne soufflait pas ce qui permettait aux bougies menant droit vers moi et au belvédère d'être toujours allumées. Voyant une silhouette familière apparaître non loin du chemin que j'avais créé je me débarrassai rapidement de ma grosse veste que je m'empressai de cacher. Le froid s'insinua aussitôt à travers le tissu léger de mon costume et je frottai mes mains pour conserver un minimum de chaleur. Cam ? Entendis-je dire. Je redressai la tête sans m'être rendu compte que je fixai mes pieds dans la pénombre et son visage m’apparut enfin. Ses yeux. Comme à chaque fois que j'osai m'y plonger ils me coupaient le souffle. Je sentis mes lèvres s'étirer pour former ce petit sourire que j'avais toujours en sa présence. Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Demanda Oliana en arrivant enfin près de moi et en regardant toutes les bougies que j'avais installé un peu partout. Je sentis le rouge me monter aux joues chose peu courante. J'en ai trop fait ? La questionnai-je en sentant la panique me gagner une nouvelle fois mais cette fois-ci uniquement par peur qu'elle me réponde positivement. Ça dépend ... qu'est-ce qui se passe ? Je sais que c'est Noël, mais généralement les gens échangent des cadeaux sous un sapin bien décoré et au chaud, pas sur un belvédère dans la neige. Dit-elle pour me taquiner. Je me raclai la gorge tout en cherchant ce que je devais faire de mes mains. Les mettre dans mes poches me donnerait un air un peu trop décontracté et je-m'en-foutiste et si je les croisai ce serait pire. Je décidai de les laisser le long de mon corps. Très drôle ! Finis-je par répondre en secouant brièvement la tête. Non c'est pas pour un échange de cadeaux et ... okay je vais m'y prendre comme un pied. Bien que la dernière partie était plus pour moi que pour elle, il avait fallu que je la dise à voix haute. J'avais une toute autre vision de ce moment mais étant donné que mes relations avec ton père sont devenus un peu conflictuelles depuis qu'on est ensemble j'ai dû improviser. Débutai-je avant qu'elle ne me coupe. Cameron ... Non, laisse-moi finir sinon je vais me dégonfler. Là ce n'était pas une mission, c'était plus important, plus ... vital. Je t'aime, Oliana. Ça m'a pris du temps pour m'en rendre compte et surtout pour l'accepter. Tu as toujours été plus qu'une sœur même si c'était plus facile de le nier. Maintenant tu es tout ce que j'ai souhaité dans ma vie. Tu es ma meilleure amie, ma confidente et l'amour de ma vie en même temps et ça ... c'est tout ce qui importe. Je regrette que ta famille ne l'accepte pas parce que j'aurais aimé qu'ils soient là. Je sais qu'ils comptent tous énormément pour toi mais j'espère pouvoir compter autant, pouvoir être véritablement ta famille maintenant. Ma vie sans toi je ne peux plus l'imaginer. Si tu venais à me quitter je crois qu'une partie de moi serait manquante à tout jamais. C'est pour ça que ce soir, ici-même et dans ce froid j'ai une question très importante à te poser. Fouillant dans la poche de mon pantalon, j'en sorti un petit écrin avant de poser un genou à terre, de l'ouvrir et de le tendre vers elle. Oliana Neel Gallagher me ferais-tu l'immense honneur d'accepter de devenir ma femme ? Ma respiration s'arrêta nette une fois cette question posée. Jamais je n'aurais imaginé avoir le courage de la poser. Jusqu'à présent j'avais été persuadé que je finirais par me défiler tout simplement parce que j'avais trop peur de me prendre un mur, de tomber de trop haut. Mes iris posés sur Oliana, j'eus la sensation que désormais les secondes étaient de longues minutes voire même d'intolérables heures qui ne faisaient que décupler mon angoisse. Je ... oui ! Évidemment que je veux, t'en as de ces questions ! Bah oui, parce que sa réponse était supposée être une évidence ? Toutefois, un large sourire étira mes lèvres tandis que je me relevai enfin pour ensuite lui passer la bague au doigt. J'en ai encore plein des questions stupides tu sais et maintenant que tu as accepté tu vas devoir les supporter jusqu'à la fin de ta vie. Dis-je en m'approchant d'elle. Je passai un bras dans le dos de la brune pour la rapprocher et mes lèvres se scellèrent aux siennes tandis que des cris de joie et des applaudissements nous parvenaient du chalet. Mon sourire se redessina sur mes lèvres sans que je cesse d'embrasser celle qui était désormais ma fiancée. Je t'aime. Soufflai-je à quelques centimètres de ses lippes, mes iris ancrés dans son regard.

« MacKenzie calme-toi, y a aucune raison qu'ils te retrouvent toi ou Oliana ... ou n'importe quel membre de ta famille. » Je fulmine ce qui m'amène à gigoter et donc à réveiller la douleur au niveau de mes côtes. « Si tu pouvais éviter de bouger je t'en serais très reconnaissante ! » Me lance Blake en me regardant droit dans les yeux. Je soupire et m'applique à ne plus faire le moindre mouvement. A la place je reporte mon regard sur Andrew, mon supérieur. C'est lui qui m'a lancé dans cette mission de merde ... enfin il n'a fait que transmettre les ordres du directeur mais par chance pour ce dernier il n'est pas présent dans la pièce et c'est Andrew qui subit ma colère. Je suis un très bon agent de terrain, à tel point qu'il fut décidé que je serais envoyé en Syrie pour récolter des informations sur un supposé groupe terroriste présent à la fois là-bas et sur le sol américain. Mon aptitude à lire en quelqu'un comme dans un livre ouvert est ce qui me permet à chaque fois de m'intégrer sans souci. Je suis un véritable caméléon même si ce n'est pas vraiment ce qui rassure Oliana à chaque fois que je dois partir. Là, j'en ai eu pour trois mois ... trois mois sans lui donner de nouvelles. C'est Andrew qui le faisait pour moi à chaque fois que je faisais mon rapport mais ce n'était pas pareil, je le sais très bien. Les deux premiers mois, la mission c'est très bien déroulée. J'avais mon informateur et j'ai pu infiltrer le groupe cible sans problème. J'ai récolté un bons nombres d'informations jusqu'à ce que tout tourne au vinaigre. C'est sorti de nulle part. Un jour j'ai le droit aux embrassades et le lendemain à une torture à laquelle j'ai bien cru ne pas en réchapper. « On sait qui m'a balancé ? » Je demande en sortant de mes pensées. Je grimace en sentant le désinfectant sur mes coupures. « Non. On cherche encore mais il est probable qu'une agence t'ait vu comme une menace et t'ait balancé pour prendre la place. » Génial, parfaitement génial ! Par moment ces conflits inter-agences me donnent envie de frapper quelque chose ou quelqu'un tout comme j'ai l'envie de hurler qu'on bosse pour atteindre le même objectif, mais la compétition rend l'humain stupide. « Ils t'ont bien amoché. » Déclare Blake en se concentrant sur les points qu'elle me fait. « Tu crois ?! » Je rétorque avec ironie. J'ai eu de la chance d'en sortir vivant et, surtout, de trouver le moyen de contacter l'agence pour obtenir une équipe d’extraction. Lorsqu'ils me sont tombés dessus j'ai fini attaché par les poignets, mes pieds touchant à peine le sol. Ils m'ont rué de coups, me brisant certaines côtes, avant de me faire quelques entailles qu'ils ont frotté avec du sel juste pour le plaisir de m'entendre hurler. J'ai aussi eu le droit aux brûlures tandis qu'ils essayaient en vain de m'arracher des informations. Et puis la surdose d'adrénaline a fait son apparition. Le garde qu'ils ont laissé avec moi a aussi été ma porte de sortie. Trop stupide pour comprendre que je lui tendais un piège, il s'est rapproché de moi ce qui m'a permis de lui briser la nuque à l'aide de mes jambes. Le plus difficile aura été de faire quelques figures gymnastiques pour parvenir à me tenir la tête vers le sol, les pieds vers le plafond le temps de détacher mes poignets. Le reste n'a été que l'application de ma formation. Si j'ai réussi à m'en sortir en un morceau, je continue d'avoir cette méchante sensation que ce n'est pas la fin. « Swift va vouloir ton rapport aussi rapidement que possible. » Lui, il peut gentiment aller se faire foutre. Ce rapport il l'aura lorsque Blake aura fini sa torture mais surtout lorsque j'aurais vu ma femme, le reste n'a pas la moindre importance à mes yeux pour le moment. « Je vais faire surveiller ta maison. » M'annonce Andrew comme s'il lisait mes pensées et avait deviné que je continue de m'inquiéter pour la sécurité d'Oliana. « Enfin une bonne nouvelle ! » Je pose mon regard sur la doctoresse qui termine les derniers points de ma dernière blessure. « Je peux y aller maintenant, j'ai à faire ! » Dis-je sans pour autant attendre la réponse. Je quitte le fauteuil, j'attrape ma chemise que j'enfile dans une grimace puisque les gestes tirent sur les points et je braque mon regard sur la troisième personne dans cette pièce. « S'il arrive quoi que ce soit à ma famille, à Oliana, je peux pas te promettre de rester calme. » Andrew opine. Il me connaît par cœur. Nous avons été partenaires avant qu'il ne monte en grade. Il sait que je suis très impulsif, parfois violent lorsqu'on s'en prend à mes proches. Il ne m'arrêtera pas si jamais quelque chose tourne mal, il serait même du genre à m'aider à parvenir à mes fins mais puisqu'il est supposé faire les choses dans les règles maintenant, je sais qu'il fera tout pour que je n'ai pas à en arriver là. « Passe le bonjour à Ollie de ma part et dis-lui qu'Elsa teint toujours à ce dîner dimanche. » Je lève les yeux au ciel. La femme d'Andrew est une cuisinière hors pair, ce dont elle a un peu trop conscience. Bien qu'adorable, Elsa a vite fait de vous taper sur le système mais très stricte, elle obtient toujours ce qu'elle veut et si là elle veut que nous dînions tous les quatre chez elle ce dimanche, tel sera le cas.

« Je serais toi, je reposerais ce verre, tu vas finir par vomir tes tripes. » C'est plutôt en me sortant un truc pareil que je risque de le faire. Mon verre de Whisky à quelques centimètres de mes lèvres, mon regard jusqu'alors posé sur les diverses bouteilles derrière le bar, je tourne la tête vers la voix féminine qui vient de s'adresser à moi. Casey. C'est fou de se dire que, gamin, je pouvais ressentir une connexion avec elle. Je savais lorsqu'elle allait mal, lorsqu'elle était heureuse ou lorsqu'elle était non loin de moi. Aujourd'hui ce lien semble totalement brisé. Le plus triste c'est que tout ça est à cause de notre mère, cette folle - oui parce que je continue de la considérer comme tel même en tentant de renouer avec elle pour Casey - qui l'a enlevé alors que nous avions que dix ans. Avec les années j'ai fini par même oublier l'existence de ma sœur jumelle. Le cerveau est un organe formidable. A force de prendre encore et encore, il a décidé d'appliquer une solution radicale me permettant d'aller de l'avant sans souffrir : effacer une grande période de ma vie. Un peu comme ce que le cerveau d'Oliana a fait avec elle ... à mon grand damne. C'est pour ça que je bois même si l'excuse est minable. Je passe mes nuits à revivre l'accident à travers mes rêves. Mon cerveau tente sans doute de communiquer, de pointer du doigt un détail que je ne parviens pourtant pas à saisir. Mais je sais qui est derrière tout ça, je le sais que trop bien. Les représailles je les ai attendu pendant des mois et une fois ma vigilance baissée, ils ont attaqué ces fourbes. Après quatre mois de comas passés au chevet de ma femme à me torturer et à me détester elle a fini par ouvrir les yeux avec quatre années de vie oubliées. Notre vie. J'ai un peu paniqué lorsque les médecins me l'ont annoncé et puis j'ai tout fait pour l'aider même si, sincèrement, je passe plus de temps à chercher les responsables de ce désastre. C'est devenu une obsession et mon couple en pâti deux fois plus. Je suis perdu, mal et encore une petite chose de plus sur laquelle je ne suis pas capable de mettre de mot. Je ne veux pas perdre Oliana, je n'y survivrai pas mais j'ai cette petite voix qui me répète qu'à force de me focaliser uniquement sur ma vengeance c'est ce qui va finir par arriver d’autant que je la sens déjà me glisser entre les doigts. Et puis dans tout ça, il y a eu Casey. Lorsqu'elle est entrée dans ma vie je n'ai rien compris. Du jour au lendemain on m'annonce que ma sœur n'est pas morte, que notre schizophrène de mère l'avait enlevé mais qu'elle se soigne depuis des années, qu'elle a refait sa vie et eu deux autres enfants. Du jour au lendemain, je passe du statut d'orphelin à celui de ... et bien je ne sais pas vraiment. Renouer avec Casey aura été le plus simple. Nous avons pourtant des années de perdues mais c'est ma jumelle, c'est comme si une partie de moi m'était enfin rendu. En revanche, Ethan et Enora (mon demi-frère et ma demi-sœur) c'est autre chose. Ethan est bien content d'avoir un frère aîné mais Enora me voit comme une menace, sans doute trop habituée à être le centre de l'attention pour être la petite dernière. Gérer tout ça me donne une migraine pas possible et je me noie dans l'alcool, c'est tellement plus simple. Puis ajoutez au merdier qu'est ma vie cette partenaire que le directeur Swift m'a imposé, cette partenaire qui porte le nom Zooey et qui a pour ordre de me contenir et de veiller sur mes arrières. Pire décision qui soit, mais je n'ai pas d'autres choix que d'accepter même si je me fais un plaisir de l'envoyer sur les roses aussi souvent que possible. « Tu veux le finir ? » Dis-je enfin après quelques instants de silence. Casey prend place à mes côtés. « Non merci, j'ai pas un passé très glorieux avec l'alcool. » M'avoue-t-elle en penchant sa tête sur le côté. « Tu veux en parler ? » Me demande-t-elle. « Parler de quoi ? De ma vie merdique ? Du fait que ma femme ne se souvient même pas être ma femme et que je suis la raison de l'accident qui a causé cette merde ? Franchement pourquoi en parler ? A quoi ça va servir, tu peux me le dire ? » Casey hausse les épaules. Elle n'a pas les réponses, évidemment. Elle veut juste aider et comme le connard que je deviens, je l'envoie balader. C'est typique de mon comportement dernièrement parce que je perds pieds et que la seule personne capable de me rattacher au monde n'est plus ... Elle a disparu. Je vide mon verre et fais signe au barman de m'en servir un autre. « Je veux pas en parler, je veux juste boire jusqu'à dégueuler dans la ruelle d'à côté et le faire seul. » Mais Casey ne bouge pas. En fait, elle reste près de moi, silencieuse, jusqu'à ce que le barman considère que j'ai déjà bu bien assez de verres et refuse de m'en servir un autre. Je l'insulte, me lève en titubant. J'entends Casey s'excuser à ma place et, je ne sais comment, je rejoins la ruelle dans laquelle, en effet, je vomis tout ce que j'ai dans l'estomac. Quant au reste c'est un flou total, comme ce que me réserve ma vie dans les prochains mois, les prochaines semaines, les prochains jours.