On pourrait croire en lisant les gros titres que je suis un parfait connard, le genre de gars qui n’hésite pas à se complaire dans la débauche et profite de cette surexposition médiatique liée à son nom de famille pour détruire tout ce que son père a commencé à construire avant même sa naissance. On pourrait penser que je suis un égoïste, sans le moindre sens des valeurs familiales si bien qu’il finit par se retrouver dans les draps de la fiancée de son frère. Je ne peux nier ces faits, en vérité je m’en amuse même. Tout ce qu’on pourrait s’imaginer sur moi est totalement vrai. Je suis la vilaine tâche noire qui vient assombrir le si parfait tableau que constitue la famille Bird-Backes. Je suis l’indésirable, l’intrus, celui qu’on ne demande qu’à dégager ce que mon père ne tarda pas à faire dès ma première bavure. Comme s’il n’avait pas voulu le faire dès ma naissance. Bien que ma mère lui ait toujours affirmé que je partageais son sang lui ne l’a jamais cru. Il faut dire qu’au moment de ma conception les deux “tourtereaux“ ne vivaient déjà plus des jours heureux. Alors quand un possible bâtard fit irruption dans sa maison il était évident qu’il ne le considérerait jamais comme sa chaire. Je ne vais pas me plaindre sur la façon dont il m’éleva, à vrai dire je devais m’estimer chanceux qu’il pose ne serait-ce qu’un œil sur moi car après tout ce n’était qu’une perte de temps alors que politicien dévoué à sa campagne avait déjà à ses côtés celui qui deviendrait le fils prodige. Au contraire j’ai vite compris que le véritable problème ne venait pas de moi mais de lui. Un arrogant, égocentrique, lunatique, vantard, vénérant l’argent et se faisant subtilement graisser la patte gauche alors qu’il levait sagement la main gauche pour prêter serment. Tout cela n’a jamais été qu’une vaste illusion et seuls les fous pourraient encore y croire. Tout comme il était certain que je n’embrasserais pas la même carrière que lui ou encore Gabriel qui suivait ses pas comme un chien bien dressé, il était également certain que je ne resterais pas tranquille indéfiniment. Ma mère décida donc de m’inscrire en médecine pour que je puisse regagner un peu d’estime auprès du paternel, toutefois ça n’a jamais été vraiment mon truc les études. Déjà lorsque mes parents payaient une fortune pour m’envoyer dans un de ces collèges privés dont la réputation n’est plus à faire tant de nombreux grands noms passèrent par leurs salles de cours je n’étais pas fichu de faire ce qu’on me demandait. Au contraire j’étais la forte tête, celui qui balayait toute autorité et défiai le système dans lequel on voulait m’ancrer. Il décida donc de m’envoyer en Suisse dans un pensionnat le temps que je termine mes études secondaires, me mettre un peu de plomb dans la tête et si ça n’avait tenu qu’à lui j’y serais encore à l’heure actuelle. Il était idiot de penser que j’allais devenir un lèche cul du jour au lendemain. Au contraire je ne me souviens pas parfaitement de toutes les nuits que j’ai passé en Suisse, mais je mentirais si je disais que je n’y avais pas passé les meilleures années de ma vie avec tous ces fils de riches rebelles jusqu’au bout des ongles. Entre alcool, drogues, sorties en douce, parties de jambes en l’air... C’était un paradis si on ne tenait pas compte de toutes les règles que beaucoup d’entre nous s’appliquaient à ne pas respecter. Si ce fut dans ce pensionnat que mon addiction à la cocaïne débuta, ce fut également là que j’appris à jouer de la guitare et commençai enfin à entrevoir ce qui m’avait manqué depuis tout ce temps : l’inspiration. Comme si cette petite voix qui me disait que je n’étais pas à ma place parmi eux et que je ne le serais jamais s’exprimait pour la première fois. Il me fallut huit mois pour le comprendre après mon retour à New-York et alors que toute ma famille ou presque me croyait en médecine, je faisais mon petit bout de chemin dans un univers nocturne et fait d’excès en tous genres. Je mis mon frère dans la confidence, une vaine tentative pour me rapprocher de lui. Toutefois son soutien avait une limite et il se rangea rapidement à l’opinion de son géniteur lorsque mes vices furent découverts alors que je passais la nuit en garde à vue pour possession de drogue. Mon premier passage dans la presse à scandale qui commençait à tenir l’image dorée que mon père avait bâtie de lui si bien qu’il aurait préféré me laisser croupir en prison pour ne pas voir la situation dégénérer. Ma mère me sortit de là ce qui marqua la fin de leur mariage qui ne tenait déjà plus qu’à un fil à cette époque. Cet écart de conduite ne suffit cependant pas à le faire chuter dans les sondages. Alors je dû lui porter le coup de grâce et quoi de mieux pour ça que d’atteindre le plus faible d’entre eux : Gaby. Lui qui ne comprenait pas pourquoi j’étais devenu ainsi et pourtant n’étais pas assez intelligent pour remarquer qu’il n’était pas mieux que moi méritait d’être lui-aussi déchu au même titre que notre père. Ce fut facile de profiter des peurs de fiancée concernant leur si merveilleux engagement et lui faire connaitre quelque chose de sauvage, d’obscure et pourtant vrai contrairement à ces faux sentiments uniquement créés de toute pièce pour faire beau dans les médias. Le scandale fut tel que je fus renié du testament, mes comptes en banques si bien remplis furent bloqués et mon père me renia tout comme Gabriel qui me maudissait sans même se cacher à présent. Et pourtant je m’en moquais.

Je m’en moque toujours aujourd’hui, tout comme je ris de la réputation ternie des Backes, tout comme je ris de ce faux couple sur la corde raide qui s’affiche encore tout de même pour sauver les pots cassés, tout comme je ris de cette vie à laquelle j’aurais été voué si j’avais été le premier à voir le jour. Je suis probablement un enfoiré, mais j’ai le mérite d’être honnête avec moi-même. Si ceux qui me jugent pensent que je ne suis qu’un monstre, ils devraient savoir que je ne suis pas si différent d’eux. Car après tout ce sont eux qui m’ont rendu comme ça.