Ange Atkins est née à New York, dans le Bronx. Elle n'a pas eu une enfance facile, mais n'a jamais connue de parents divorcés, ni de mort d'un proche, ni de violences conjugales, ni de violence tout court ... Elle reçue ce prénom de ses parents qui tout deux étaient protestants, notamment luthériens : quand ils apprirent que leur fille ne croyait pas en dieu et "toutes ces conneries", ils regrettèrent amèrement de lui avoir donné son nom. Comme ils souffrirent de pas mal de chose de la part de leur unique enfant : une fille grincheuse, toujours à pleurer, bougeant dans tout les sens, n'obéissant jamais, n'offrant aucun moment de tranquillité. Elle ne donna pas envie à ses parents d'en refaire un et c'est ainsi qu'elle se retrouva toute seule, sans frère ni sœur.
Ange Atkins n'a pas vécue son enfance entourée de chiens. Pas au début. C'est arrivé à une période compliquée de sa vie, quand elle traînait avec une bande dont la plupart était bien plus âgés qu'elle, lui donnant souvent le mauvais exemple et l'obligeant à prendre des conneries dès ses quatorze ans. Ange, à l'époque, n'était pas encore assez grande pour se forger son propre caractère, alors comme un chien elle suivit la meute. Et ce sont de vrais chiens qui arrivèrent peu de temps après. Un premier arriva un jour avec un rottweiler, suivit d'autres types, puis encore et encore d'autres chiens et mecs tous plus bizarres les uns que les autres. Les premiers combats débutèrent, où Ange, alors âgée d'à peine 17 ans, voyait des chiens se tuer entre eux. Bien sûr les combats de chiens étaient illégaux, mais son petit-ami de l'époque n'arrivait pas à trouver un travail, et bouffé par le deal et la drogue, il voulait s'essayer à autre chose. Les paris pour ces combats devenaient addictifs. Et puis, Ange avait un don, c'est ce que tout le monde disait : elle arrivait à parler aux oreilles des chiens.
Quand elle arrivait, ils se calmaient, quand elle leur parlaient, ils l'écoutaient, et quand elle hurlait, ils s'arrêtaient.
Puis Fungus est arrivé. C'est elle qui a choisi le nom, un drôle de nom quand on connait la définition. C'était un petit pit-bull d'à peine trois mois quand elle le récupéra. Petit mâle d'une portée d'amis, son copain le lui offrit généreusement. Et lui demanda de le préparer en avance au combat pour qu'il soit invincible. Ange n'aimait plus à l'époque son fiancée, se posant alors des questions sur sa sexualité. Avec lui les choses s'étaient faites simplement, c'était un bon gars, malgré ses défauts, mais elle ne voyait pas l'avenir avec lui. Elle regardait ces filles de copains, ces nanas aux regards brûlants qui lui faisait toujours de l'effet. Ange savait qu'elle préférait les filles, mais elle n'avait jamais essayée pour être sûre.
Sa vie se résumait à ne plus aller en cours comme les autres jeunes de son âge, décevoir ses parents qui au fond n'avaient jamais rien fait pour l'aider à se sortir les doigts du cul, rester avec cette bande de durs à cuir et élever un chien qui bientôt se fera tuer.
Mais l'impensable se produisit. Fungus se trouvait être un bon chien, un très bon chien ... de combat. Ange avait fait en sorte qu'il lui obéisse au doigt et à l’œil, et surtout elle était sa pensée. Le Pitt-Bull pensait, réfléchissait et agissait au son de la voix de sa maîtresse. Jamais il n'eut d'agressivité avec elle, alors que dans l’arène il détruisait facilement plus gros que lui à coup de morsure profonde dans le cou. Mais Ange disait toujours quand on lui demandait comment elle faisait pour ne pas être effrayée par cette bête sanguinaire : «
Tu es effrayé par un militaire quand t'en vois un ? Non ? Bah c'est pareil avec Fungus. C'est mon petit soldat, il tue quand je lui demande de tuer, même si le chien devant lui pourrait être de sa famille. Et après il rentre à la maison, sans penser une seule seconde à lever son arme sur sa mère. Fungus, c'est pareil. » Et elle repartait, la clope dans le bec, la laisse de son chien serrée contre son poignet.
Fungus c'était l'amour de sa vie. Aucune défaite, il s'accrochait à la vie. Et Ange avait apprit à le soigner correctement. Contrairement à d'autres éleveurs de chiens de combats, Ange restait proche de son Pit Bull, s'occupant de lui comme d'un fils, le soignant, lui parlant, le laissant dormir entre elle et son petit ami.
Puis c'est arrivé. Un homme, plutôt mauvais joueur s'en prit à Ange, violemment. Les choses tournèrent mal et Fungus se jeta sur lui pour défendre sa maîtresse. L'erreur qu'elle ne réussit pas à régler, son chien ne lui obéissait plus. C'était la première fois qu'il ne se calmait pas au simple son d'Ange. Les yeux sombres, la mâchoire contre le cou du pauvre homme, il mordit jusqu'à ce qu'il ne respire plus. Et personne ne pu rien y faire. Les secours arrivèrent tout de même, appelés en urgence par les personnes sur les lieux, effrayés. Ange ne bougea pas, ne fuya même pas malgré les appels de son copain. Elle restait là, avec Fungus à ses côtés qui était assit comme si rien ne s'était passé. Ange pleura en silence jusqu'à l'arrivée des flics sur les lieux, interpellés par les ambulanciers. L'endroit fut totalement déserté, seul Ange était restée et s'était laissée attraper, emmenée. Elle savait que ça allait se passer comme ça et elle voulait arrêter tout ça, elle désirait une meilleure vie. Pour elle comme pour Fungus. Parce que au moment où elle s'était faite attaquer par cet homme, couteau dans la main, elle avait hurlait le nom de son chien.
«
Qu'est ce que vous faites ? Et Fungus ? Fungus ! Je veux mon chien, lâchez moi ! » Les mains menottées, sur la banquette arrière de la voiture de police, Ange ne pouvait rien faire face à cet homme policier qui retenait son chien en laisse, la muselière sur la gueule. Fungus ne se laissait pas faire, obligeant l'homme qui était déjà bien costaud, à le retenir à deux mains. La voiture partait, s'éloignant du lieu, et alors qu'Ange plongeait sa tête dans ses genoux pour pleurer de nouveau, elle entendit le murmure du conducteur parler d'un chien les suivants. Ange leva les yeux, regardant derrière la voiture, Fungus courir à ses trousses. Il avait réussi à fuir de la laisse du policier pour à présent courir à toute vitesse en direction de sa maitresse. Les policiers accélèrent, appelant leurs collègues pour qu'ils récupèrent au plus vite le Pitt Bull dangereux. «
Il obéit seulement à moi, c'est mon chien, si vous le laissez seul il va faire n'importe quoi ! » Mais ses cris n'arrivèrent jamais aux oreilles des deux policiers. Et ni à celles de son chien qui s'éloignait de plus en plus de la voiture de police, essoufflé. Jusqu'à ne voir seulement qu'une ombre apparaissant au loin : celle de Fungus qui s'était arrêté de courir, regardant, debout et fort, sa mère partir. Et Ange savait que c'était la dernière fois qu'elle le voyait.
...
Vêtue de la tenue réglementaire de la prison Rose M. Singer Center, Ange se grattait les bouts de peau entre ses ongles, attendant la venue de son petit ami. Les tables étaient très peu espacées, laissée là dans une petite salle pour accueillir les visiteurs. Quand son copain arriva, elle ne bougea pas de sa chaise, verte de rage. Avant même qu'il n'ait le temps de lui faire la bise et de s'asseoir, elle lui lança, les bras croisées : «
T'as des nouvelles de Fungus ? » Le sourire gêné de Joshua l'énerva encore plus. «
Ange ... Je. Je t'ai déjà dis que j'en savais rien. » «
Super, je ne sais pas ce que devient mon chien, et en plus j'ai quatre ans à pourrir ici ! » La main chaude de son copain essaya de se rapprocher d'elle, mais elle l'ignora. «
Désolé ma puce ... » «
Ma puce ? T'étais où le soir où ils m'ont emmenés et qu'ils ont emportés mon chien ? Tu t'étais barré. » «
Je t'avais dis de me suivre. »
Ange avait qu'une seule envie, c'était de partir. Mais les dix minutes accordées étaient trop rares pour qu'elle se permette de continuer cette discussion qu'elle avait déjà eu des centaines de fois au téléphone avec son copain. A la place elle changea de sujet : des nouvelles de sa famille qui ne lui parle pas ? comment va la bande ? ... les combats de chiens ? Finalement la discussion se termina de nouveau sur le sujet de cette soirée là et de Fungus. «
Elle est où ma Ange que j'aime ? Tu m'as même pas demandé comment j'allais ? Tu ne penses qu'à ton chien, mais c'est lui qui t'a foutu dans la merde ! » Là, c'était trop, elle se leva d'un bond et tapa contre la table, surprenant tout le monde autour d'eux et obligeant les surveillants à venir la retenir : «
C'est lui ce soir là qui m'a défendu d'un type qui allait me poignarder ! Qu'est-ce que tu aurais fait toi ? » Fuir.
...
Assise sur une chaise, aux côtés du responsable de la prison, madame Land attendait la liste des volontaires pour s'occuper de chiens abandonnés dans son refuge. L'homme chargé de ça attendait la fin des photocopies, un petit sourire. C'était quelqu'un de bon, à l'écoute des détenues, et l'idée d'une entraide mutuelle entre chiens et humains lui plaisait. Il avait de suite accepté, lançant une annonce dans la prison qui avait reçue une réponse très favorable de la part des détenues. «
On en a plus d'une trentaine ! » Dit-il en lançant le dossier sur la table, que madame Land récupéra dans la volée, portant ses lunettes à son nez. «
Pour seulement onze chiens ... » C'était le maximum autorisé dans la prison, en tout cas simplement comme début, peut être que l'idée évoluera avec le temps.
Dans le dossier, une lettre de motivation, une photo et une feuille du dossier judiciaire de la détenue, avec certaines parties restant anonyme pour la présidente du refuge. Elle feuilleta en silence, gardant son côté très sérieux qu'elle avait toujours, sans juger l'écriture parfois catastrophique de certaines, et les raisons de leurs détentions qui parfois peuvent jouer avec la réaction face aux chiens.
Sentant l'impatience du responsable, madame Land lança, lisant la douzième page : «
Vous allez devoir attendre, pour le moment seulement une seule m'intéresse. » L'homme acquiesça du menton et alla s'asseoir dans son fauteuil, répondant de temps en temps à des coups de téléphone. Puis on frappa à la porte. Le responsable soupira fortement, sans accepter que la personne entre : «
Vous ne savez pas lire ? J'ai même fait une annonce tout à l'heure : pas de rendez-vous cet après midi, revenez dans une heure si c'est important ! »
Et la tête d'Ange apparue dans l’entrebâillement, sans un sourire. Elle avait l'air plutôt méfiante, essayant de ne pas regarder dans les yeux l'homme en costume bleu la fixer sévèrement. «
Atkins ! J'aurais dû m'en douter. Je ... Non, ne donnez pas votre feuille à. » Trop tard, la lettre de motivation était déjà entre les mains de madame Land qui ne comprenait pas la scène se déroulant devant ses yeux, regardant tout d'abord la détenue repartir sans un seul mot, puis le responsable qui avait l'air encore plus interloqué qu'elle.
Qu'est ce qu'il s'est passé ? se demanda t-elle avant de poser son regard sur la feuille posée là à l'instant. L'homme à ses côtés la stoppa dans son début de lecture : «
Non ce n'est pas la peine, celle-ci est interdite de présence auprès d'un chien. » «
Et pourquoi ça ? » «
Elle est internée ici pour quatre ans parce qu'elle participait à des combats de chiens. »
...
«
Les chiens sont bientôt là, les gardiens les sortent du camion et les emmènent jusqu'ici. S'il vous plait restez là où vous êtes et écoutez ce que dit Madame Land. » Le responsable parlait assez fort pour que sa voix ressortent de celles des détenues. Elles étaient au nombre de douze. Onze jeunes détenues, toutes excitées d'assister à cette première séance avec les onze chiens. Et la dernière, Ange, mise à l'écart à côté d'un gardien, accepté par madame Land mais simplement comme premier test pour voir si tout se passe bien. Les bras croisées, adossés d'un côté à la barrière, elle ne disait pas un mot mais l'excitation était aussi au rendez vous. Bientôt deux ans qu'elle était là, avec des hauts et des bas, des histoires avec quelques filles et une assez bonne intégration. La seule chose qui lui faisait se coucher tard le soir c'est qu'elle avait apprit l'euthanasie de Fungus il y a un an de cela, et qu'elle n'arrivait toujours pas à s'en remettre. L'arrivée de ces chiens allaient lui faire beaucoup de mal, au pire lui briser le cœur, mais elle désirait vraiment faire partie de ce groupe. Elle s'était donnée du mal dans sa lettre et avait finalement était prise comme observatrice.
Les chiens arrivèrent, comme prévus, tenus par deux en laisse : en premier deux magnifiques berger allemands qui firent leur petit effet, ils sont jeunes et vifs, Ange lâcha un petit sourire. Puis les deux prochains, un cocker roux et adorable qui fit lâcher quelques petits cris de fille en admiration, accompagné d'un vieux malinois aux poils blanc autour des yeux. Suivit d'un gros beagle et d'un autre malinois bien plus jeune et surement croisé lui aussi. Le prochain fit rire quelques détenues, un spitz noir et curieux qui tapait dans les pattes de son compagnon bien plus grand et imposant, un dalmatien. Les deux derniers en groupe étaient un autre beagle, une femelle et un bâtard ressemblant à un Bulldog croisé Carlin. Toutes les détenues étaient déjà rivées sur leurs préférés tandis que Ange restait en retrait, bien surveillée par le gardien à côté qui lui aussi intérieurement rêvait de pouvoir en caresser au moins un. «
Et le dernier est un peu particulier. C'est le onzième. Au début je voulais en prendre que dix, ça fait un chiffre rond. Mais je me suis dit que si je fais ces séances avec vous, femmes détenues, c'est pour partager quelque chose, un respect envers l'homme et l'animale. Je vous présentes Émilie, une American Staff qui faisait partie d'un réseau de combat de chien. »
Ange baissa automatiquement les yeux. En premier pour éviter le regard des autres détenues, des gardiens et du responsable, mais aussi pour ne pas voir le chien qui allait lui rappeler ses erreurs d'autrefois. Le cœur serrée, elle entendit d'abord des rires dans sa direction, puis un long silence. Un énorme silence. Le bruit des pas lents et faibles d'un chien sur l'herbe et la terre, un souffle sortant du nez, étrange. Puis des murmures. Ange leva les yeux, finalement. Et l'horreur apparue : face à elle, une jeune femelle, pas plus de cinq ans, musclée et surtout défigurée. Les yeux se tournèrent de nouveau vers elle et pendant un long moment Ange se sentit partir, s'évanouir ou bien s'enfoncer littéralement dans le sol. Mais madame Land rappela les jeunes filles. «
Par ici, regardez moi j'aimerais vous expliquer quelques petites choses avant de commencer. »
Une heure passa, chacune un chien tenue auprès d'elles en laisse. Elles avaient passées les premières minutes à répéter le nom de leur chien, pour qu'il comprenne bien que c'est à lui qu'on parle. Ange trouvait ça stupide. Assise finalement dans l'herbe, le dos contre le grillage, elle regardait la scène en repensant à Fungus : elle le sifflait au début, disait des mots simples, puis Fungus est arrivé simplement. Il comprenait assez pour savoir ça tout seul sans qu'elle ait eu besoin de le répéter. La suite de la séance était de laisser le chien détachée à un endroit du terrain, s'éloigner de quelques mètres, puis l’appeler pour voir si il venait. Chacune lâchèrent leurs chiens pour se mettre plus loin, attendant le signal de madame Land. Appelant chacune leur tour, en rond, le manège s'arrêta sur l'American Staff qui ne bougea pas, se couchant même dans l'herbe pour jouer avec une jeune fleur. La détenue essaya de l’appeler tant bien que mal, s'impatientant. Et se fut l’élément déclencheur chez Ange, qui se redressa d'un bond. «
Tu vois pas qu'elle est occupée à jouer ? Tu t'y prends mal. C'est pas comme ça que tu arriveras à la faire ramener vers toi. » Elle avait parlée trop vite. Tout les regards se dirigèrent de nouveau vers elle. La détenue responsable du Staff fit une grimace, la regardant alors de haut : «
Ah ouais ? Vas y, montres moi la tueuse de chiens ? » Ange lui lança un regard noir, et s’avança, laissant son gardien hésitant. Madame Land le retint d'intervenir, bouclant au passage le bec au responsable. Tout en arrivant à hauteur de la détenue, elle posa sa main dans une poche de son pantalon et l'autre dans sa bouche. Un sifflement aigüe et particulier se fit entendre dans toute la cour. Tout les chiens levèrent la tête et observèrent en silence Ange. «
GO. » Un simple, GO. Et Émilie se leva d'un bond, sans hésitation, pour arriver jusqu'aux pieds d'Ange, qui recula d'un pas pour ne pas trop s'approcher du chien. Il lui était interdit de toucher cet animal. Et de toute façon, son regard, son visage, lui rappelait qu'elle en avait tuée des dizaines de comme ça. Ça aurait pu être Fungus qui lui aurait fait ça. «
Pas besoin de l’appeler par son nom, il suffit juste de le faire réagir par un bruit très aigüe qui lui siffle aux oreilles, et tout les chiens du monde sont à toi. » La détenue qui était à côté d'elle finit par la bousculer, reprenant son chien entre ses bras. Ange ne chercha pas à se défendre. Cette journée l'avait fatiguée et elle ne voulait plus revenir à ce cours bidon où elle observe des femmes s'occuper de pauvres chiens abandonnés que personne de comprend. Si, il y a peut être quelqu'un qui mérite plus que les autres et même elle-même : Madame Land.
...
«
ANGE, VIENS VOIR, TU VAS KIFFER. » La jeune femme de vingt-trois ans leva la tête vers la détenue qui l'avait appelé. Ça semblait important, alors elle n'attendit pas et fonça avec elle dans la foule qui s'était amassée contre le grillage. L'endroit qu'elles observaient toutes était la cour où se déroulait tout les mercredis après midi les séances avec les chiens. Ange comprit très vite ce qui se passait et ne tarda pas à trouver une place pour voir la scène. Le dalmatien s'attaquait à l'American Staff qui ne bougeait pas de sa place, couchée dans l'herbe, tendue. Le chien lui mordait le flanc, assez fortement. On pensait au début qu'ils jouaient, mais le dalmatien avait eu une drôle de réaction d'un coup, sans crier gare. Madame Land essayait tant bien que mal de les séparer, tirant courageusement le chien loin de l'autre, tandis qu'un policier avec des gants de bricolage essayait d'écarter les dents du dalmatien de toutes ses forces. La scène était surréaliste et d'une incroyable violence pour les spectateurs, mais Ange de son côté garda son plus grand calme. Prenant un grand souffle, elle se mit à siffler avec ses doigts, très fort, brisant les oreilles de celles à côté, puis se mit à hurler au milieu de tout le monde, le nom du dalmatien :
«
ROCKEY ! » Un, deux, trois. «
NON ! » Un, deux, trois. Sifflement.
Et le dalmatien s'arrêta, lâchant la femelle qui fut vite éloigner de là par le gardien, ayant le bon geste de poser sa main contre la plaie saignante. Le jeune chien tâché s'approcha alors gentiment jusque vers Ange, puis la regarda, secouant la queue. Les personnes tout autour s'éloignèrent du chien, un peu surpris d'une telle réaction de la part de l'animal qui juste avant mordait un autre chien. «
Assis. » Montrant son doigt bien droit face au dalmatien, elle le baissa et le dalmatien s'assit sur l'herbe, sans un mot. Un sourire s'afficha sur son visage, et la jeune femme passa le bout de ses doigts contre le grillage, où le chien pu sentir son odeur et comprendre qu'elle ne lui en voulait pas, et qu'il pouvait se racheter maintenant.
C'était sa seconde chance.
...
Ange fut invitée à revenir aux séances avec les chiens. Quand elle était présente, les animaux étaient étrangement plus détendus, comme si ils savaient qu'elle serait là pour les protéger ou leurs dires quoi faire pour être acceptés par les humains. «
C'est quelque chose que peu de gens savent, mais c'est vrai : la première chose et la dernière chose que fera un chien durant sa vie c'est de vous faire plaisir. Tout ce qu'ils veulent c'est être acceptés et avoir quelqu'un qui les aiment. » Madame Land avait dit ça en regardant dans les yeux Ange, qui était restée en retrait, le dalmatien assit contre ses jambes. La détenue responsable de ce chien avait abandonnée, et l'American Staff était repartie au Chenil dans le Bronx. «
Comment va Émilie ? Est-ce qu'elle va mieux maintenant qu'elle peut remarcher ? » La présidente Land posa sa main contre le bras d'Ange, un petit sourire aux lèvres : «
Tu t'inquiètes pour ce genre de chien ? » C'était lancé comme un pique, Ange l'avait bien senti. «
J'ai eu un Pitt Bull avec moi pendant trois ans, et pendant trois ans je me suis inquiétée de son état durant les combats de chien. Mais pendant trois ans j'étais aveugle parce que je ne pensais qu'à moi. C'est quand on m'a séparé de mon chien que j'ai réalisé qu'il était toute ma vie et que les chiens qu'il avait tué était bien plus importants que le pognon que je ramassais. J'ai foutue des vies en l'air, et maintenant je voudrais me racheter, de n'importe quelle façon. »
Madame Land regarda un long moment la détenue lui parler, sans rien dire, sans un sourire ou une expression. Puis, tout en baissant la tête pour cacher un petit sourire, elle lui répondit : «
Quand tu sortiras d'ici, viens me voir au chenil. Tu pourras peut être y trouver Émilie et un travail. »
...
Ange Atkins, vingt-six ans, sortie de prison depuis deux ans, en sursis pour cinq ans. Elle ne vit pas chez ses parents, qu'elle ne voit que de temps en temps. Elle vit chez Madame Land, sa nouvelle maman. Elle travaille dans son chenil, accueillant une dizaine de chiens par mois, et ces derniers temps des chiens à problèmes. On parle d'Ange comme d'une comportementaliste canin. Mais elle ne s'y connait pas en psychologie et en médecine. Elle n'a apprit que sur le tas, avec son don. Alors comportementaliste canin de catégorie 1 et 2, ça sonne bien. Ange protège les chiens qui ont une fois dans leurs vies mordus un autre chien ou un humain. Elle essaye de leur donner une seconde chance en leurs évitant l'euthanasie. Jusqu'ici elle a toujours réussie, sauvant pendant ces deux ans une bonne vingtaine de chiens de ces deux catégories. Elle les aiment tous.
Chez sa maman adoptive, elle possède un chihuahua, un teckel, un shitzu et un chat. Mais elle s'occupe aussi à présent d'un vieux Pitt Bull de huit ans au pelage blanc à pois gris, qu'elle a nommé Blanco. La loi dirait qu'elle n'est plus autorisée à posséder un chien de cette catégorie, mais Madame Land aime détourner la loi. Même si pour le moment, Ange est toujours surveillé par la police qui vient de temps en temps rendre visite aux chenils pour voir si tout se passe bien. Encore trois ans à faire et peut être qu'à partir de ce moment là, Ange pourra se faire pardonner par Fungus. Peut être.