La dernière poupée blonde a avoir vu le jour chez les Westmore, c'est moi, Blake, Margot, Westmore. BMW en abréviation. Une farce de mon père et surtout une dédicace à sa marque de voiture favorite. Deux frères et deux soeurs m'ont devancé. Sans eux, je serais peut être déjà morte. Ils m'ont protégé à maintes reprises des colères de mon père. Un homme aussi beau que dangereux. Un homme puissant sachant tenir ses affaires aussi bien au boulot qu'à la maison. Je peux vous dire, si jamais il entendait un seul bruit, nous étions fouettés jusqu'au sang quelque soit nôtre âge. Ces souvenirs me hanteront à jamais. J'ai grandi dans une belle baraque, je suis allée dans des écoles réputées, comme quoi les apparences sont trompeuses. Ma petite enfance n'a pas été heureuse. Certes, j'ai connu de beaux moments, des moments magiques mais d'autres tellement plus sombres. Si j'étais la petite fille douce et apeurée jusqu'en primaire, j'ai carrément disjoncté à mon entrée à l'adolescence.

Tout a pourtant commencé en douceur. Je suis restée fidèle à moi-même, si on me détestait, c'était uniquement à cause de ma perfection. Qu'est-ce que j'y pouvais ? Je n'allais pas maudire le seigneur de m'avoir donné de très bons attributs. Les garçons se sont précipités à mes pieds sans que je n'ai le temps de savoir ce que je désirais au fond de moi. Alors j'ai fait comme les autres, j'ai suivi le mouvement. Je me suis pendue au bras d'un mec. Cela aurait pu être un prince charmant, mais vous l'aurez sûrement deviné à l'avance, j'ai foncé tête baissée dans le prototype de mon père. Un homme violent et peu respectueux des autres. Ma première relation amoureuse a été catastrophique. Passionnée et destructrice. J'ai été trompé, manipulé, roué de coups. Je n'ai rien dit durant deux ans. Jusqu'au moment où mon esprit a dit stop. Tentative de suicide. Tout est allé très vite. Je crois qu'au fond c'était plus un appel au secours qu'une envie de disparaître éternellement. J'ai avalé dans les chiottes du lycée des tas de pilules trouvées dans le placard de ma mère. On m'a retrouvé à temps pour me faire un lavage d'estomac. L'hôpital a découvert des tas de bleus sur mon corps, je n'ai jamais avoué que mon père tout comme mon petit ami de l'époque portait la main sur moi. J'avais peur et j'ai toujours peur. J'aime mon père malgré les atrocités qu'il a commis et qu'il commet peut être encore. Je suis sa petite chérie, sa dernière, sa préférée, et ses coups ne sont qu'une forme d'amour. Enfin, j'imagine.

Je me souviendrais toujours de ce jour. Mes frères et soeurs ainsi que ma mère étaient en déplacement, j'étais restée seule avec mon père. C'était un soir d'été. Le dernier avant ma remise de diplôme. Il ne me restait qu'un jour pour enfin toucher à la liberté. Celle d'aller étudier autre part, loin d'eux. J'étais à l'étage, dans ma chambre. J'avais depuis rompu avec celui qui me maltraitait, j'avais tenté de refaire ma vie, sans me caser de nouveau. Et il est revenu. Il est entré par la fenêtre de ma chambre durant la nuit. Et il a tenté de me violer. Je me rappelle encore de sa main froide qui s'est posée sur ma bouche. Mes rideaux virevoltaient, j'essayais de me débattre, d'hurler. Mes mains ont trouvé ma lampe de chevet et je l'ai frappé sur le sommet de son crâne. Il a lâché ma bouche et j'ai crié. J'ai crié Papa ! Encore et encore. Alors que ce porc revenait à la charge, il est entré. Il était alcoolisé, le contraire m'aurait étonné. J'ai croisé son regard glacial et j'ai su. J'ai su que le pire allait arriver. Il n'y avait que lui seul qui pouvait m'effrayer. Je pleurais des larmes et des larmes, sans pour autant bouger de mon lit. Mon père a attrapé mon assaillant et l'a plaqué contre un mur. Et il l'a roué de coups encore et encore. Il l'a piétiné au sol. Je me suis levée, et j'ai regardé la scène. Je n'ai rien fait, j'ai assisté au meurtre de mon ex petit ami sans rien dire. Je n'aurais de toute façon jamais pu me mettre au milieu. Quand mon père a quitté la pièce, j'ai enfin réalisé ce qui venait de se produire. Je me suis jetée sur le corps inanimé et défiguré. J'étais complice de meurtre. Ma vie qui allait enfin prendre un nouveau tournant a été réduite en cendres. Lorsque mon géniteur est revenu, c'était avec une bâche immense et de la corde. Je l'ai aidé a ligoter le corps et nous l'avons enterré au fond du jardin.

Le lendemain matin, nous plantions des fleurs sur sa tombe fraîche et je me rendais le soir même fêter mon diplôme. Comme si rien ne s'était passé. En rentrant, j'ai découvert des valises dans le hall et mon passeport. J'ai aperçu une lueur orange dans l'obscurité. C'était mon père, cigare au bout du bec. " Pars, ne reviens jamais avant que je te le dise. " Je n'ai pas répliqué, j'ai exécuté ses ordres, à quelque chose ça près. Je n'ai pas pris le vol qu'il m'avait réservé. J'ai fait du stop jusqu'à la destination qu'il m'avait prévu. Un appartement dans le Queens à New York. Je n'étais désormais plus Mademoiselle Westmore mais Mademoiselle Palmer. J'avais du liquide, assez pour survivre plusieurs années si je le répartissais bien. Mais pas assez pour la vie que je m'étais imaginée. J'ai appris plusieurs jours plus tard que mon père avait été arrêté pour le meurtre de mon ancien amant. Apparemment, le chien du voisin avait rapporté à son maître un doigt. Je savais qu'il fallait réparer cette fichue clôture. Mon père, le plus malin et mesquin des hommes avait été arrêté à cause d'un... canidé. L'histoire est à peine croyable. Le pire dans tout ça, c'est que je suis portée disparue. Ma mère a profité de l'affaire pour lui ajouter ses nombreuses années de violence et mon éventuel meurtre. Oui, tout le monde croit que cette nuit là, mon paternel m'aurait surpris avec le gars qu'ils ont trouvé au fond du jardin et qu'il aurait pété un câble. Bien qu'il ait pu me blesser, jamais il ne m'aurait tué. J'ai souvent envie de retourner d'où je viens pour éclaircir ce malentendu mais rien n'y fera. Je suis foutue. Et puis, papa m'a bien dit, ne reviens jamais avant que je te le dise, c'est mal parti, même s'il plaide pour l'homicide involontaire. Je suis donc l'affaire à distance, sous une nouvelle identité, Phoenix Victoria Palmer. Si vous me rencontrez, je vous vendrais sûrement une histoire de famille complètement différente afin de ne pas être reconnue. Avec ce passé, je suis devenue paranoiaque alors je me suis créée des tas de scénarios à déverser pour préserver ma couverture de fugitive.