Mes mains posées sur mon ventre, je fixe le plafond du salon. J'ignore depuis combien de temps je le contemple ainsi, sans doute bien trop longtemps maintenant. J'ai été capable de dormir quatre petites heures avant que l'inconfort du canapé ne me tire de mon sommeil. Pourtant, je sais que je fais bien. Je sais que d'accepter cette contrainte est la meilleure chose à faire. Elle a besoin d'espace, besoin de temps pour se souvenir ou s'habituer voire même les deux. Moi je dois faire preuve de patience même si ça me tue. J'ai parfois l'impression de la perdre, l'impression que plus jamais je ne retrouverai la femme que j'aime. Pourtant elle est là. Tous les jours je la vois, tous les jours je l'admire seulement ce n'est pas pareil. Je suis presque un étranger à ses yeux, je ne suis plus l'homme qu'elle a épousé. Pour elle, je ne suis que Cameron, cet abruti qui était prêt à épouser une fille qu'elle ne supportait pas, Cameron son ''frère'' dont elle était trop proche. Un soupire m'échappe. Tout ça me ronge tout autant que de vouloir trouver les coupables de notre accident. Même si Andrew, mon supérieur, tient à ce que je me tienne à carreau connaissant que trop mon caractère, j'en suis incapable. Le Directeur Swift a beau m'avoir collé Maëlys aux fesses il me connaît très mal. J'ai de nombreuses connections au sein du F.B.I, pas mal de personnes prêtes à m'aider et ce de manière discrète – parce que soyons clair, nous risquons tous gros si nous nous faisons attraper. J'enquête de mon côté pour trouver ceux à qui je compte bien faire passer un mauvais quart d'heure et en attendant que ça soit le cas … je me déteste. Cet accident est de ma faute. J'étais la cible et c'est Oliana qui a pris le plus chère. Je m'en veux et même si on m'a dit d'arrêter de culpabiliser j'en suis incapable. Je souffle une nouvelle fois puis me tourne sur le flanc pour attraper mon portable sur la table basse. Cinq heures du matin. Tant pis, je serais en avance au bureau mais je ne peux pas rester allongé plus longtemps à penser encore à la même chose. J'avale rapidement un café corsé, prend une douche tout aussi vite et je file de l'appartement en prenant soin de ne faire aucun bruit qui pourrait réveiller Ollie. Je tiens tout autant que les médecins à ce qu'elle se repose, elle en a besoin. Enfin il y a ça et le fait que j'ai du mal à lui imposer ma présence, partir pour le bureau tous les matins est donc une aubaine. Ma journée est bien moins passionnante que je ne l'aurais souhaité. Rester coincé derrière un bureau n'a jamais été pour moi et pourtant je n'ai pas le choix. Obligé à trier des rapports et à en corriger en compagnie de ma nouvelle partenaire soit tout ce qu'il faut pour me donner envie de fuir au plus vite chez moi. Mais je prends mon mal en patience jusqu'au milieu de l'après-midi où je peux enfin rentrer. Je ne prends pas même le temps de dire au revoir à Maëlys, je pars comme un voleur et arrive plus vite que prévu chez moi. Si je m'étais imaginé qu'Oliana serait sortie pour tenter de s'aérer les idées, je faisais fausse route. La porte de notre appartement ouverte, j'entends des reniflements provenir du salon. Mes sourcils se froncent bien que je prends tout de même le temps de ranger mes clés et de poser mes affaires avant d'atteindre cette pièce. Je retrouve ma femme assise sur le canapé, enroulée dans un plaid, plusieurs mouchoirs autour d'elle. « Ollie ? Ça va ? » Oh la question stupide ! Je me claque mentalement pour l'avoir posé mais ne me démonte pas. Je brise la distance qui nous sépare et prends place à ses côtés sur le canapé. Un bref moment d'hésitation s'empare de moi mais je finis tout de même par poser ma main sur la sienne en penchant ma tête sur le côté afin de croiser son regard. « Qu'est-ce qui se passe ? » Je demande sans être absolument sûr de vouloir connaître la réponse. Et si elle me dit qu'elle ne peut plus et qu'elle veut partir ? Qu'est-ce que je ferais moi ? Je resterais comme un con, sans nulle doute.

Jamais jusqu'à dernièrement je n'ai éprouvé autant de réticences à l'idée de rentrer chez moi. Même une journée comme celle que je viens de passer ne semble pas suffire. J'ai peur, chose que je peux m'avouer à moi-même mais certainement pas à mon entourage. Lorsque j'enfonce la clé dans la serrure de la porte et que j'ouvre celle-ci j'ai toujours cette crainte de faire face à un appartement vide. Comment réagirais-je si ce jour devait réellement arriver ? Je pense que, sincèrement, je m'écroulerais aussi simplement que ça. Je me souviens encore que trop bien de ce que j'ai pu ressentir lorsque j'ai repris conscience dans la voiture. Bien que mon esprit était totalement embrumé à cause du choc, ma première pensée n'a non pas été pour les flammes qui rongeaient le capot de notre voiture mais bien pour Oliana. La voir inconsciente et sérieusement blessée a presque eu raison de ma santé mentale. Lorsque les ambulanciers nous ont séparé, ils ont dû aller jusqu'à m'injecter un calmant pour parvenir à me maîtriser. Mais le pire, oui le pire, fut lorsque sa perte de mémoire sur quatre années nous fut annoncée. Là, mes jambes cédèrent tout bonnement. J'ai eu peur de la perdre ce jour-là et désormais j'ai cette même peur qui me ronge chaque jour allant jusqu'à m'empêcher de dormir correctement la nuit. Désormais, la voir présente dans l'appartement est un véritable soulagement même si en cet après-midi la voir pleurer m'inquiète. La vidéo qui passe sur notre téléviseur aurait dû m'orienter toutefois j'avoue ne pas y avoir prêté attention bien trop focalisé sur les sanglots qui secouent ma femme. Elle ne dégage pas sa main après que j'ai posé la mienne dessus ce qui est un bon signe … tout du moins je l'espère et je continue de la regarder jusqu'à ce qu'elle soit capable de m'expliquer ce qui lui arrive. « J’y arrive pas. Je sais plus où j’en suis. Je suis perdue… » Je fronce une nouvelle fois mes sourcils. Je vois où elle veut en venir comme l'inverse. Je comprends qu'elle soit perdue avec tous ces souvenirs manquants mais elle n'arrive pas à quoi exactement ?

« Je ne me souviens que de cette gamine vulgaire et immature que j’étais, qui tentait de trouver sa place dans la société, qui voulait juste s’amuser malgré son cœur, et qui tentait de te fuir parce que ça faisait trop mal. Elle n’est jamais tombée amoureuse, celle-là. Elle n’a jamais regardé un homme comme… comme ELLE. Non mais regarde-là. Elle déborde d’amour et de bonheur. Elle sait ce qu’elle veut, elle sait la chance qu’elle a et sans doute n’échangerait sa place pour rien au monde. Et même si son père n’est même pas là, elle ne voit que toi…. Et il y’a moi…Je ne suis ni l’une ni l’autre. Je suis juste cette fille endommagée qui ne sait plus qui elle est, et qui est même pas fichue d’aller bien. » C'est donc ça. Je retiens le soupire de soulagement que j'ai senti monter en moi et je serre un peu plus sa main au creux de la mienne. « Tu te trompes. » Je commence en lui adressant un sourire que je veux rassurant. « Ollie tu es cette fille. Tu es peut-être endommagée comme tu le dis mais ce sont ces dommages qui font que tu es perdues. » Oui bon ça je pense qu'elle n'a pas besoin de moi pour le savoir, mais qu'importe.  « Tu es cette femme que j'ai épousé et tu es cette gamine vulgaire et immature, seulement tu as évolué le seul problème c'est que tu t'en souviens pas. Tu es tombée amoureuse et, j'espère, que tu l'es encore. Et si ça peut t'aider moi il n'y a que toi que je vois. » J'aimerais caresser son visage pour appuyer mes paroles mais je crains sa réaction. Ça aussi ça m'agace. Nous sommes mariés nom de dieu, la logique voudrait que je puisse avoir des gestes tendres envers ma femme mais le destin a voulu nous emmerder jusqu'au bout. « Je sais que ça te bouffe, que tu te sens perdue mais ça reviendra et même si c'est pas le cas, je serais prêt à t'épouser encore une fois ne serait-ce que pour t'accorder de nouveaux souvenirs. » De toute manière, je serais prêt à tout pour elle, peut-être même jusqu'à tuer si je trouver les salauds qui ont causé cet accident. Mais je suis également prêt à tout mettre en œuvre pour l'aider à retrouver la mémoire et si jamais il faut que nous nous construisions de nouveaux souvenirs ensemble je le ferais aussi.

Le gars capable de trouver des mots rassurants, de remonter le moral des troupes ça n'a jamais été vraiment moi. J'ai toujours été juste bon à être présent ce que j'ai toujours considéré comme largement suffisant puisque, après tout, lorsque les choses vont mal tout le monde n'a pas forcément envie de parler. Même mes diplômes en criminologie et victimologie n'ont jamais réussi à véritablement m'aider. Certes, j'arrive à lire dans quelqu'un très facilement mais c'est toujours plus difficile lorsqu'il s'agit d'un proche. C'est également le cas avec Oliana. Pourtant, je la connais par cœur. Nous avons grandi une bonne partie de notre vie ensemble, ça aide forcément à se connaître l'un et l'autre. Plus que ça encore, elle est une partie de moi-même et je ne peux que comprendre ce qu'elle ressent. A présent, je peux tout juste l'imaginer. C'est comme si cette amnésie voilait ce ''super pouvoir'' que j'avais jusqu'à présent. Désormais je suis dans le flou total. Je suis incapable d'anticiper les réactions d'Oliana, pire encore je les crains. Comment voulez-vous quand dans une situation pareille je parvienne à trouver les bons mots pour la réconforter ? Pourtant j'ai tenté. Je ne suis pas convaincu et encore moins satisfait de ce que je peux lui dire mais n'est-ce pas mieux que rien ? Et puis j'ai tellement peur de ce qu'elle peut me répondre. Comment avons-nous pu en arriver là ? Cette situation me rend malade. Je meurs d'envie de fuir loin, très loin en espérant que ça passe … si c'est le cas un jour. Mais je ne peux pas l'abandonner. J'ai fais une promesse en l'épousant et, de toute façon, j'en serais bien incapable. Mais merde, qu'est-ce que ça peut être chiant de vivre sans cesse dans la crainte ! « Et si… » Débute-t-elle. Mon regard reste ancré dans le sien comme pour lui faire comprendre silencieusement de ne pas avoir peur de continuer, que je suis prêt à tout entendre – enfin presque. « Et si je n’ai pas ce temps devant moi…Et si… » Je sens sa main quitter la mienne et, instinctivement, je porte mon attention sur celle-ci et la suit tandis qu'Oliana la pose contre sa poitrine, au niveau de son cœur. « Et si il décidait d’en finir maintenant… ? » Je déglutis avec difficulté. Clairement, je ne me suis pas attendu à ce qu'elle vienne me parler de son cœur. Sa maladie la poursuit depuis tellement d'années que, par moment, j'en viens presque à l'oublier. Pourtant, c'est ce cœur fragile qui a failli me l'arracher après la collision. Je ne veux pas y penser, je ne veux vraiment pas. Je reste silencieux et elle vient dans mes bras, une proximité qui me manque que trop dernièrement. Mes bras l'entourent tel un bouclier protecteur et ma joue se pose contre le sommet de sa tête tandis que je sens ses larmes mouiller ma chemise. « Je veux pas mourir, Cameron… » Mon souffle se coupe. Mon myocarde manque un battement toutefois je me reprends assez vite et la serre un peu plus contre moi. « Ça n'arrivera pas. » Je chuchote. Je suis ne pas être Dieu, mais je ne laisserais pas une telle chose se produire. « Tu ne dois pas penser à ça. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire mais tu ne dois pas. On a toujours réussi à trouver des solutions, tu as toujours réussi à survivre. » Je me détache un peu d'elle de sorte à pouvoir la regarder. J'ose enfin un geste affectif. Ma main dégage une mèche de cheveux bruns derrière son oreille et caresse sa joue. « Tu es une battante Ollie, amnésique ou non ça a toujours été le cas. Accroche-toi à ça, accroche-toi à moi parce que tant que je serais vivant et près de toi il est hors de question que je laisse qui ou quoi que ce soit t'arracher à moi. » Je vais trouver ces salauds qui ont presque réussi à me prouver l'inverse. Je vais leur faire payer ce qu'ils ont fait même si je dois dépasser les limites. Et, ensemble, nous tiendrons jusqu'à ce qu'un cœur lui soit greffé. Je refuse de perdre espoir. Si elle le perd et bien je tiendrais pour nous deux.

Pourquoi ? C'est probablement la question la plus récurrente dans ma petite tête ces derniers temps. Pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi faut-il que ça nous arrive à nous ? Pourquoi faut-il qu'elle se retrouve dans cette situation ? Pourquoi suis-je incapable de l'aider, de trouver une solution ? Pourquoi est-ce que je me sens comme une merde tous les jours ? Pourquoi ? Tant de questions auxquelles je n'arrive pas à trouver de réponses. La vie n'est pas facile, je pense pouvoir dire que j'en sais quelque chose sans pour autant passer pour un martyr. C'est presque à croire que je suis né sous le signe des emmerdes. Elles me suivent partout depuis des années et pourtant je suis encore là. De quelle manière suis-je supposé avoir une autre impression que celle qui me pousse à croire que je suis un poison pour mon entourage ? Toutes les personnes auxquelles je tiens finisse par souffrir. Mon père est mort, ma mère est folle, ma sœur m'a été enlevée pendant dix-huit années, Oliana enchaîne les malheurs et il y a aussi Clarke, cette petite sœur qui attend tristement de pouvoir entrer dans la famille après avoir perdu ses parents. Je porte malheur seulement je suis trop égoïste pour m'éloigner de ces personnes parce que, quoi que j'en pense, je ne serais pas grand chose sans elles et il y aurait longtemps que j'aurais cessé de me battre contre ma vie merdique. Encore aujourd'hui alors que j'aurais pu prendre la fuite je tiens le coup. Ce n'est pas pour moi, c'est pour elle. Oliana a besoin de moi, besoin de mon soutien et si je peux le lui apporter je le ferais. Je connais ses angoisses, ce sont les mêmes depuis quelques années et je ne peux la blâmer pour ça. Elle ne peut pas faire confiance à son cœur et la peur qu'il la lâche est incessante. Mais comme toujours je fais de mon mieux pour réveiller la battante en elle. Parce que je sais qu'elle l'est même si elle n'y croit pas. Elle est capable de tout si elle y croit et je ferais tout pour que ça soit de nouveau le cas.

« Promis ? » Finit-elle par me demander. Le contact de sa main sur la mienne me réchauffe. J'ai l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis la dernière fois où nous avons été aussi proches voire plus encore. Je ne veux pas la brusquer, c'est le dernier de mes souhaits, toutefois je dois avouer que par moment je n'ai qu'une envie : l'embrasser à en perdre le souffle et lui faire passer toute envie de passer une nouvelle nuit seule pour dire ça correctement. Mais je me retiens comme à chaque fois et je ravale ma frustration. « Promis. » Je souffle finalement. Là, j'ai la sensation d'être à deux doigts de ce que je désire mais la magie se brise et tout contact visuel entre elle et moi disparaît. Je ravale cette sensation désagréable qui vient me ronger. Je ne peux pas lui vouloir, je ne peux pas. « Je suis désolée Cam. Tu mérites vraiment pas ça » Mon regard s'étant perdu dans le vide, je me focalise à nouveau sur la jeune femme. Je ne mérite pas ça ? Mais dans l'histoire je suis le moins victimisé, c'est elle qui ne mérite pas ça. « Arrête, ne dis pas ça. Ne sois pas désolée, tu n'y es pour rien et puis je sais à quoi je m'engageai. » Pas un seul instant je n'ai hésité, pas un seul instant je n'ai regretté de l'épouser, ce n'est pas maintenant que ça va changer qu'importe l'embûche à laquelle nous faisons face. Cependant je sens une pointe d'agacement grandir en moi, pas contre elle mais contre moi. Je lâche doucement sa main et quitte le canapé moins délicatement. « Je mérite ce qui m'arrive parce que c'est de ma faute. Oh je savais que travailler pour le F.B.I c'était risquer mais pas un seul instant je pensais que ça t'atteindrais. Je vais les trouver ces connards, je vais leur faire regretter. Mais je t'interdis de t'excuser parce que le seul qui doit le faire dans cette pièce c'est moi. » Je me hais, est-ce que c'est aussi difficile à comprendre ? Sans moi dans sa vie elle n'en serait pas là mais je suis trop égoïste pour la laisser partir.

Combien de fois avais-je imaginé un scénario où je leur mettais la main dessus ? Oui, combien de fois ? Le pire est que j'ai une idée plutôt précise des personnes derrière notre accident mais je n'ai aucune preuves tangibles pour leur tomber dessus. Et puis, il n'y a pas que eux sur qui je veux mettre la main. Je veux trouver l'agence qui m'a balancé parce qu'ils sont les principaux coupables et que je n'en démordrais pas. Le directeur le sait, ce n'est pas pour rien qu'il m'a collé Maëlys aux fesse, parce qu'il sait qu'elle suit toujours les règles à la lettre et que si elle voit que je dépasse les limites, elle m'arrêtera … au sens propre comme au sens figuré du terme. J'ai bien conscience que cette histoire de vengeance est en train de me ronger, malheureusement je n'arrive pas à l'ôter de mon esprit, pas quand je vois l'état dans lequel est Oliana à cause de ça … à cause de moi ! « Personne ne s’engagerait dans une situation pareille… » M'a-t-elle dit après que j'ai affirmé le contraire. Je n'ai rien répondu mais je n'en pense pas moins. Si c'était à refaire, je le referais. Je m'engagerai quoi que ça me coûte. Elle l'a sans doute oublié mais le fait de l'aimer comme je l'aime me poussera toujours à être à ses côtés sans jamais regretter mes choix. Elle n'est pas un poids, elle ne l'a jamais été et ne le sera jamais.

Bien avant que nous nous mettions ensemble j'en avais décidé ainsi, rien n'y personne ne pourra m'empêcher d'être près d'elle, de me battre pour elle. Je suppose que si je ne lui ai pas dis c'est parce qu'une part de moi espère qu'elle le sait, même si c'est tout au fond d'elle. Et puis, j'ai laissé la colère m'envahir. Je me suis emporté sans qu'elle ne puisse comprendre, sans qu'elle ne sache que ce n'est pas contre elle ou contre quelque chose qu'elle a pu me dire. Je me déteste un peu plus chaque jour. On a beau me répéter de ne pas m'en vouloir, je n'y arrive pas. Comment pourrais-je alors que je sais que c'est de ma faute ? C'est d'ailleurs ce que je finis par lui dire tandis que l'envie de frapper dans quelque chose devient de plus en plus importante. Mais je sens les bras d'Oliana autour de ma taille et ce geste me calme immédiatement. Je sens également sa tête posée contre mon épaule et je ferme les yeux pour savourer cette proximité qui me fait le plus grand bien. « Tu as tord Mackenzie. Tu le savais pertinemment, et sans doute que je le savais en t’épousant. » Je mords ma lèvre. Je le savais, elle le savait mais ce n'est pas pour autant que je m'attendais à ce qu'une chose pareille nous arrive, lui arrive. Je pose une main sur celles d'Ollie contre mon ventre et je rouvre les yeux, regardant droit devant moi.

« Il y’a déjà eu assez de mal qui a été fait. Je veux pas qu’il t’arrive quelque chose, même si c’est pour me venger. Tu sais très bien que je n’aurai jamais accepté ça » Malgré ses bras qui m'entourent, je parviens à me tourner pour lui faire face. Je plonge mon regard dans le sien et je reste ainsi de longues secondes avant que mes mains ne viennent entourer son visage. « Je ne sais pas si j'en serais capable. Je supporte pas ce qui t'arrive, pas alors que j'en suis partiellement fautif. » Dis-je en sentant mes yeux me brûler. Je n'ai pleuré que devant elle et devant son père au cours de toutes ces années passées mais là je ne veux pas, je ne veux pas me montrer plus faible que je ne le suis déjà. Alors je mords l'intérieur de ma joue comme j'en ai l'habitude et je ravale mes larmes. « Je suis tellement désolé. » Finis-je par chuchoter. Je pose mon front contre le sien et ferme les yeux. Je repousse l'envie grandissante de l'embrasser à nous en abîmer les lèvres. Je la repousse autant que je le peux, serrant les dents mais je finis par craquer. Peut-être que j'ai aussi besoin de soutien finalement, de son soutien … Et puis je finis par m'éloigner, le souffle court. « Je … désolé. » Dire que nous en sommes arrivés au point où je dois m'excuser pour avoir embrassé ma femme … ce monde ne tourne pas rond !

Vous avez déjà éprouvé cette sensation où le monde semble tourner au ralentis parce que vous ne désirez qu'une seule chose : profiter du moment présent autant que possible ? C'est ce que j'ai ressenti lorsque mes lèvres se sont posées sur celles d'Oliana. J'aurais tout bonnement voulu que le bien-être qui m'a envahi ne disparaisse plus jamais, que nous restions dans cette bulle jusqu'à la fin des temps. Ne serait-ce pas merveilleux si une telle chose était possible ? Si j'ai conscience du fait que j'ai grandement besoin que notre vie redevienne comme avant, c'est encore pire lorsque je l'embrasse. Ce que je refoule au plus profond de mon être refait brusquement surface. C'est une gifle violente à laquelle je ne m'attendais pas le moins du monde. J'ai relâché mon attention pendant un bref un instant, mais un instant suffisant pour que tout remonte. J'ai ce trou dans la poitrine qui ne cesse de grandir au fur et à mesure que les jours s'écoulent sans que la mémoire ne lui revienne. J'ai comme l'impression qu'une partie de mon être m'est arrachée si lentement que j'en souffre encore plus que si ça avait été d'un coup. La sensation est horrible et je la préférais enfoui, mais j'ai baissé ma garde, j'en suis le seul fautif. J'ai été incapable de me retenir, incapable de contrôler ma pulsion. Je la veux. Je la désire plus que jamais parce que j'ai peur de ne plus la retrouver.

Je veux qu'elle soit ma femme et je veux être son mari. Je veux pouvoir la toucher, l'embrasser et lui faire l'amour comme c'était le cas avant et sans avoir à craindre de la brusquer. Je veux juste les choses simples de notre vie et jusqu'à maintenant je n'avais pas conscience de la frustration que cela éveillait en moi. J'ai donc cédé, peut-être par égoïsme mais est-ce si grave puisque j'ai fini par me reprendre ? C'est moi qui ai brisé ce moment magique, moi qui me suis éloigné en me rendant compte que j'étais probablement en train de dépasser la limite. Je ne veux pas lui donner l'impression de vouloir tout tout de suite, je ne veux pas la brusquer mais … merde je la désire tellement que ça en devient insupportable. Mes excuses franchissent rapidement la barrière de mes lèvres. Je m'en veux de l'avoir prise au dépourvu et je m'en veux de ne pas avoir respecté la promesse que je m'étais faite, celle de ne pas aller trop vite, de lui laisser le temps de digérer. Pour autant, je ne m'éloigne pas. Cette proximité m'est encore nécessaire et je ne veux pas totalement perdre pieds ou tout briser. L'envie de pleurer se fait grandissante et je me déteste d'être aussi faible. Je n'ai jamais aimé l'être, ce n'est pas maintenant que ça va changer. Silencieux, je suis incapable de dire quoi que ce soit d'autre. Je ne peux que l'observer, plus perdu que jamais tandis qu'une de ses mains s'approche de mon visage. Le contact de son pouce sur mes lèvres me fait frissonner, un frisson que je n'essaye même pas de lui dissimuler. Le baiser que l'on vient d'échanger lui a clairement fait comprendre ce que je ressens.

« T’es pas fautif. Je ne t’en voudrai jamais pour être toi-même Cameron, même lorsqu’il s’agit de faire tomber des méchants derrière les barreaux. » Les mots refusent de sortir.  Mon silence la remercie ou du moins j'espère que le prend ainsi. Ça ne fait pas disparaître mon sentiment de culpabilité mais ça l'apaise assez pour que je sente ma colère se dissiper. Sa main quitte mes lèvres, caresse ma joue et se pose ensuite dans ma nuque, autant de contact qui me font soupirer de bien-être. Je ferme les yeux un bref instant pour m'en imprégner. « Je sais que là, c’est compliqué…mais quoi qu’il advienne, je reviendrai toujours vers toi apparemment… » Je décide de rouvrir les yeux à l'instant même où ses lèvres rencontrent à nouveau les miennes. C'est un baiser timide et doux qui risque d'avoir raison de moi. Je laisse mes mains glisser sur ses hanches pour aller se poser dans son dos, l'amenant un peu plus contre moi comme pour reformer cette bulle que j'ai brisé un peu plus tôt. Lentement je la fais reculer jusqu'à la coincer complètement contre la fenêtre de sorte à ce que nos deux corps soient encore plus proches qu'ils ne pouvaient déjà l'être. La magie ne s'évapore pas lorsque nos lèvres se quittent. J'ai besoin de respirer et Oliana tout autant, mais je reste près d'elle persuadé qu'avec cette proximité elle peut sentir très nettement les battements effrénés de mon cœur.

« T’étais sérieux quand tu m’as dit que tu voulais recréer des souvenirs ? » Me demande-t-elle entre deux respirations. « Oui. » Je me contente de lui répondre sans la lâcher du regard. « Refais moi vivre notre premier rendez-vous… » Un petit sourire naît au coin de mes lèvres en entendant sa demande. Nos visages sont si près l'un de l'autre que nos nez se frôlent. « Hm ... oui notre premier rendez-vous et première fois ... Je pense pas vraiment que revivre ça soit une très bonne idée. » Je souffle, mon sourire devenant plus taquin. « Vois-tu, on vivait dans l'appartement le plus miteux du Bronx avec des meubles tout aussi miteux. J'ai voulu tenter un dîner maison mais j'ai quasiment mis le feu, ce qui t'as bien fais rire d'ailleurs. Et on a finit par commander des pizzas. Ceci dit, la dernière partie était merveilleuse jusqu'à ce que le lit décide de, hm ... rendre l'âme. » En clair c'était le pire scénario de tous les pires scénarios d'un premier rendez-vous. Enfin, ça avait été plutôt drôle mais pour ce qui était de l'impressionner autant dire que ça avait été un bide total. « Appartement miteux. » Je répète pour me justifier. « Mais je peux tenter de te donner un avant-goût de la dernière partie. » Je commence par l'embrasser doucement avant de laisser mes lèvres déposer des baisers le long de sa mâchoire puis dans son cou. « Dis-le moi si tu veux que j'arrête. » Je souffle à son oreille après que mes lèvres y soient montées.

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je ne contrôle plus rien. Je laisse mon corps agir de lui-même avec cette impression de ne plus rien contrôler. C'est agréable, je dois bien l'avouer. Je suis si fatigué de toujours devoir faire attention à mes gestes ou à mes paroles. C'est nécessaire, j'en ai bien conscience. Ce n'est pas facile pour elle. Tout ce qu'elle doit gérer doit probablement l'effrayer et à vrai dire je la connais assez pour savoir que c'est le cas. Elle n'a pas besoin que je lui mette une pression pas possible en plus de ça. Seulement il est vrai que de mon côté je fatigue. C'est comme m'enfoncer dans des sables mouvant, j'ai beau tout tenter pour m'en sortir, pour nous aider, je ne fais que m'enfoncer un peu plus et dangereusement. Mais là, je lâche prise. Je n'ai pas la moindre idée de ce que sera sa réaction toutefois je préfère tenter. Le tout pour le tout comme on dit. Mes lèvres effleurent sa peau et je brûle de l'intérieur. Je sais que je n'ai jamais désiré une femme autant qu'elle, pas même Maëlys. Je brûle pour elle, je respire pour elle, je ne fais que vivre pour elle. Elle fait partie de moi, elle est la moitié de mon âme et ce qui lui arrive me tue à petit feu tant je suis impuissant. Alors là j'espère … j'espère pouvoir retrouver ma femme ne serait que pour ce soir. Au début ça semble passer, je reconnais les appels de son corps contre le mien mais finalement la magie se brise. « Attends, Cameron… » Doucement, mes lèvres quittent sa peau. Je relève la tête et croise son regard. Je sens la frustration se réveiller quelque part en moi. Je la ravale comme je peux, mon regard toujours ancré dans celui d'Oliana. « Ne m’en veux pas… Il me faut plus de temps pour ça, je crois… Mais je veux bien les pizzas » De toute manière, lui en vouloir j'en suis incapable. Comme dit plutôt, le fautif c'est moi. Qu'on me dise le contraire ou non, cet accident j'en suis partiellement responsable ce qui signifie que je le suis également vis-à-vis de ce par quoi elle passe. Silencieux, je finis par lui adresser un sourire rassurant et je m'éloigne quelque peu d'elle. « Va pour les pizzas alors. » Je souffle avant d'aller chercher notre téléphone fixe et le dépliant du restaurant dans lequel nous passons notre temps à commander.***Le ventre plein, allongé sur le canapé du salon, je tente de ne pas trop penser à ce que je ressens, à cet agacement permanent que je m'efforce de faire taire tout comme ma culpabilité. Je repense aux quelques années que nous avons passés mariés, les projets que nous avions. Je pense à Clarke qui attend désespérément de s'installer avec nous, d'avoir une famille fixe, de mieux connaître ce frère qui deviendra son père et cette femme qui sera sa mère. Je pense à Casey, à Ethan et à Enola, cette famille que j'ai retrouvé. Je pense à toutes ces choses qui font de ma vie ce qu'elle est puis, bercé par le bruit de la pluie sur les fenêtres, je finis par m'endormir ce qui m'arrive de plus en plus rarement en ce moment. Mon sommeil n'a jamais été très lourd, malgré ça je ne me réveille pas lorsque les pas sourds d'Oliana viennent dans ma direction. En réalité ce n'est que lorsque je sens quelque chose me secouer en prononçant mon nom que je m'éveille dans un léger sursaut. Je me redresse d'un coup sur le canapé, mon regard balayant l'obscurité à laquelle je ne me suis pas encore adapté. « Quoi ? » Je grogne d'une voix pas très réveillée. Puis je reconnais la silhouette d'Oliana postée devant moi. « Je… » Elle a à peine le temps de commencer sa phrase qu'un coup de tonnerre fait trembler les vitres. Un léger rire m'échappe. J'ai compris. Certaines choses ont peut être changées depuis l'accident mais sûrement pas sa peur de l'orage et, oui, ça m'amuse. « Je vois que mademoiselle a toujours peur de l'orage. » Je dis avec ce ton toujours amusé. J'ôte mes jambes de sur le canapé et tapote la place à mes côtés. « Venez donc la madame la trouillarde, y a bien assez de places pour deux et je vous promets de vous protéger contre le méchant Dieu du tonnerre. » Je continue de me moquer mais ce n'est pas méchant, ça le sera jamais. J'attends qu'elle soit assise à mes côtés pour mettre la couverture sur elle avant de passer un bras autour de ses épaules, l'amenant contre moi.