Les gens ont toujours su que j'étais folle. Ou du moins, ils l'ont toujours pensé... Mais promis, je ne suis pas folle. Pas trop, du moins. C'est juste que je vois les choses d'une manière différente des autres. Et comme ils ne sont pas capables de comprendre cela, ils me pensent folle. C'est aussi simple que ça ! Maintenant, j'ai l'habitude. Mais lorsque j'étais petite, lorsque je suis arrivée à New York par exemple, ce n'était pas si simple. J'avais neuf ans, et être la petite nouvelle ce n'est pas très facile qu'importe l'âge. Mais pour moi, ça a été un peu plus difficile. Parce qu'à neuf ans déjà, je passais mon temps de récréation à lire des bouquins sur un banc toute seule, et que j'avais une étrange obsession pour Gene Kelly, et Chantons sous la pluie était mon film préféré. Alors voilà, pour mes camarades je n'étais pas très normale. Mais Maman m'a toujours dit qu'être différente était l'une de mes qualités les plus importantes, et non un défaut alors j'ai ignoré mes camarades. Et puis je suis entrée au collège. Et le collège, à New York, c'est quelque chose... ! J'ai rencontré des gens tout aussi bizarres que moi. D'ailleurs, si vous voulez refaire la série Glee, vous pouvez immédiatement me prendre ! Mon groupe d'amis était sans fin, des gens allaient et venaient selon leurs humeurs et je ne suis pas sûre de pouvoir aujourd'hui vous énoncer tous les gens que je fréquentais à l'époque. Mais ce n'était pas important. L'important, c'était qu'on était tous un peu timbré. Mais surtout qu'on était tous passionné de quelque chose. Personnellement, j'ai fait dans le multi-fonction : littérature, danse et théâtre. Oh, et j'ai trouvé une spécialité dans l'assemblage d'habits improbables. Fut un temps où je m'habillais comme un véritable arc-en-ciel. Parce que j'ai toujours pensé que les habits devaient refléter mon humeur. Et fut un temps, j'étais vraiment heureuse.

Au lycée, ça c'est un peu gâté. Premièrement parce que j'ai voulu calmer le jeu et ne pas déraper. Mon groupe d'amis bizarres a commencé à dériver vers les méandres de la déscolarisation et de la consommation de choses illicites. Alors je n'ai pas attendu la fin de la première année de lycée pour me distancier quelque peu d'eux. Mais c'était un peu le retour à la case départ, de sortir du groupe des bizarres et de ne pas avoir d'amis. Et secondement... La puberté est passée par là et j'ai commencé à intéresser les garçons. Non pas que je n'avais pas d'amis garçons, loin de là, mais... Là, c'était différent. Et bien sûr, j'ai osé commettre l'irréparable. Je suis tombée amoureuse. Et c'est dans une période de grande crise que je me suis tournée vers mon grand frère. Bellamy. Entre lui et moi, ça n'a jamais été l'amour fou, peut-être parce que c'était un garçon et que j'étais une fille ou bien parce qu'il était trop vieux ou pas assez différent. Mais toujours est-il que j'avais grand besoin de ses conseils... Et. C'est. Comme. Ça. Que. J'ai. Eu. Le. Coeur. Brisé. Bon. Aujourd'hui, je m'en suis remise. Mais à l'époque, j'étais vraiment en colère et triste. Contre Bell, pour ses conseils tout pourris. Et contre Ronald, parce que finalement il était nul dans le jeu de la séduction. Mais du coup, j'ai commencé à m'intéresser aux garçons. Et la vie est devenue tout de suite bien plus compliquée.

Après le lycée, j'ai réussi à obtenir une bourse pour entrer à l'école de théâtre de New York. J'ai emménagé dans un appartement très petit pour compléter ma recherche d'indépendance, et j'ai enfin commencé à vivre la vie dont j'ai toujours rêvé. Et puis j'ai rencontré Sigmund. Sigmund, c'est le type qui arrive en slow motion avec un sourire de beau gosse dans les comédies romantiques. Et j'exagère à peine. Sigmund, c'est l'un de mes camarades de classe. Il vient d'Allemagne, il parle anglais avec un accent allemand à se damner, il a un regard de braise et un sourire magnifique et je vous jure que je n'ai pas fait exprès de tomber sous son charmes. Mais je l'ai fait, lorsque les premiers devoirs et les premiers partenaires ont été imposé. Mais ce qui était plutôt chouette, c'est qu'il avait l'air assez réceptif lui aussi. Alors outre le jeu d'acteurs que nous devions améliorer, c'est une autre forme de jeu qui s'est installé entre nous. Celui du fuis moi, je te suis et du suis moi je te fuis. Concrètement, il y avait des hauts et des bas. Concrètement, on est toujours sorti plus ou moins ensemble. Nous n'avons jamais changé notre statut Facebook à un en couple, mais nous n'avons jamais démenti non plus lorsque les gens nous affichaient comme tel. En plus de ça, nous formions un excellent duo théâtral. Et de bons amis, aussi. Aujourd'hui, je n'ai pas honte de dire que Sigmund est mon âme-soeur.

Tout a basculé en 2015. L'année avait plutôt bien commencé, de façon festive dans la joie et la bonne humeur. Et puis Février est arrivé, et le ciel s'est bien vite assombri. Un accident d'avion a causé la mort de nombreuses personnes, dont le couple Nash. Mes parents, soit. Personne n'a rien pu faire. C'est la faute de personne... Et je n'ai personne à blâmer, d'ailleurs, si ce n'est que le destin et l'injustice du sort. Mais pas le temps de faire mon deuil correctement que j'ai dû tout organiser pour que la vie continue : l'enterrement, la vente de la maison, le déménagement des affaires, l'héritage... J'ai bien entendu appeler à de nombreuses reprises Bellamy. Il a fait son possible pour me soutenir, bien sûr. Mais il n'est pas venu. Et je ne sais pas si je pourrais lui pardonner un jour. Et puis, à peine quatre mois plus tard suite à de nombreux cours que je n'ai pu suivre à causes de douleurs abdominales, j'apprends que j'ai un cancer des reins. Comment vous dire ? Le décès de mes parents plus ma maladie soudaine combinée, je ne serais sans doute plus de ce monde si Sigmund n'avait pas été là. Parce qu'à l'époque, je sortais avec Ilhan, ce beau et fort Ilhan, mais apparemment sortir avec une cancéreuse c'est has bee depuis Nos étoiles contraires. Si mes amis n'avaient pas été là... C'aurait sans doute mal tourné. J'ai passé quelques semaines enfermée dans mon appartement à ne vouloir voir personne, jusqu'à ce qu'on me rappelle à quel point vivre c'est important et que je dois ça aussi bien à mes parents qu'à moi-même. Et puis, Sig m'a interdit de me morfondre et s'est mis dans la tête de devenir mon garde du corps. A vrai dire, les épreuves de la vie nous ont beaucoup rapprochés. Alors depuis je tâche d'être forte, de pas me laisser abattre... Mais la maladie aussi, elle est pas mal forte. Et puis, comme d'habitude, quand le calme revient dans ma vie ça repart aussi vite. Bellamy est revenu. Je ne lui ai rien dit par rapport à ma maladie. En même temps, il ne m'a plus tellement parlé suite aux décès de nos parents. Et je lui en veux toujours. Alors c'est naturellement que je le rejette, plus pour me protéger qu'autre chose.

Quand à l'avenir, il est plus qu'incertain.